Est-ce parce qu'il est dit que les femmes manquent d'humour qu'elles sont moins enclines à jouer du trait, le grossir suffisamment de dérision pour, comme nous le signale si judicieusement Henri Bergson, « faire grimacer ses modèles comme ils grimaceraient eux-mêmes s'ils allaient jusqu'au bout de leur grimace » ? Chose certaine et loin de toute la misogynie entretenue des lustres durant, sur l'incapacité de la femme à pratiquer cet art, les caricatures de Souhayla Mellari vont jusqu'au bout du trait, raillant à juste titre, un état social dans tous ses états, stigmatisant les abus et les vices et flagellant tous les travers de notre époque. Pour la seule femme caricaturiste qui exerce dans un journal, l'accentuation prononcée des traits ne revêt de sens que si elle représente à l'homme sa propre laideur morale. Pour se faire incisifs et percutants, les crayonnés de Souhayla se saisissent instinctivement des mouvements les plus imperceptibles qui fondent notre être social, les grossissent et les exagèrent pour les rendre visibles à tous les yeux, et n'est-ce pas, comble de l'ironie, que le satirique nous fait rire jusqu'à provoquer nos larmes. Les distorsions comiques et infiniment croustillantes, appliquées aux travers tumultueux de notre quotidien, traduisent en fait une volonté affirmée tendant à apporter l'éclairage qu'il faut, pour favoriser la nécessaire compréhension, mais surtout, une tolérance effective vis-à-vis des défauts qui sont communs à tous les êtres humains. Pour marquer sa présence singulière dans le monde de la caricature, depuis deux années déjà, Souhayla Mellari illustre avec tact et judicieuse démesure, les articles journalistiques de ses collègues de bureau de l'Est d'El Watan, quotidiennement, aiguisant un peu plus son sens de l'observation, elle s'applique à travers ses dessins et les personnages qu'elle crée, à ressortir le malaise et les maux qui rongent notre société. Ses œuvres nous renvoient les images assourdissantes de notre déraison, en forçant sur ce trait pourfendeur qui met à nu les zones d'ombre de cette altérité suprême qui nous rassemble tous dans un tournis collectif. Récemment, lors d'une exposition qui a eu pour cadre le hall du Centre culturel français, les caricatures de Souhayla ont attiré une foule nombreuse et suscité un véritable engouement, mais encore, un étonnement heureux chez le public présent, qui ne s'attendait pas à l'intrusion d'une femme dans ce milieu d'habitude réservé au seuls mâles. Après les femmes journalistes et photographes de presse, le champ médiatique national compte dorénavant avec la présence de Souhayla Mellari, une femme caricaturiste, alors bravo l'artiste !