En franchissant la porte de la galerie Kef-Noun, le public est vite «aspiré» par le monde des «lignes mortes». Un monde fort en émotions, rempli de partage, mais surtout chargé de création. En effet, l'espace culturel a encore frappé fort par son choix subtil de fusion de deux univers artistiques bien distincts. Mounir Gouri et Bouzid Temem, deux artistes bônois, sont les invités de la galerie pour cette semaine. Malgré le mauvais temps, les curieux ont répondu présent à l'appel. Le premier espace est réservé aux œuvres de Mounir, où l'on découvre, d'un côté, une série intitulée «L'équilibre», inspirée d'une expérience sur un chantier et, de l'autre, une série conçue spécialement pour l'événement et dont le personnage central est composé en fil barbelé. Deux séries où la spiritualité est délicatement présente, avec des personnages toujours tirés de réflexions profondes, à l'image de Mounir présent sur les lieux. Un jeune homme simple et poli et dont le regard en dit long. Le labo-photo de la galerie s'est aussi transformé pour l'occasion. Il a été aménagé en une pièce de projection pour les vidéos de Mounir. L'on peut voir, entre autres, Corps fondu, une vidéo de 4 mn, qui va participer au Festival du film expérimental d'Argentine, et une autre plus récente qui pose un regard sur le thème douloureux des harraga. Le deuxième espace de la galerie a été consacré aux sculptures et aux travaux de Bouzid. Au centre, l'œuvre intitulée 360 remet en cause la notion de l'espace et des barrières. Réalisée sous les yeux des présents, elle n'a pas manqué de susciter des questionnements sur la structure de notre terre et de la vie en général. Pour accompagner l'artiste, Fayçal Bellatar, conteur, et Labib Benslama, en tant que musicien, ont régalé le public par l'exécution d'un texte de Bouzid qui parle du courage, mais surtout de la vie. «Vous serez notre espace et nous, la dimension.» Un moment intense où les invités étaient acteurs pour un instant. A l'occasion du vernissage tenu, samedi dernier, les artistes se sont confiés à El Watan pour critiquer l'inertie de la vie culturelle à Annaba, qui pèse de plus en plus sur les artistes de la ville et qui a poussé certains à la quitter et d'autres à s'organiser en groupe. «L'art contemporain, par tous ses aspects, ne se consomme pas à Annaba. Les institutions et les responsables du secteur de la culture ne font pas l'effort pour essayer de comprendre ou simplement intégrer ce concept dans la programmation culturelle. Mais cela ne m'empêche pas personnellement de créer et de vivre ma passion ; j'ai confiance en cette jeunesse», nous confie Mounir. Bouzid, quant à lui, atteste que la qualité de l'enseignement à l'Ecole des beaux-arts de Annaba est bonne et que les artistes de la ville sont conscients de la situation. «Une des solutions à envisager est de s'organiser en groupe pour créer et exposer et de ne rien attendre si l'on veut avancer», dira-t-il.