Que de peintres, poètes, romanciers et historiens, dont certains durant déjà l'Antiquité, et voyageurs de tous bords... n'ont fait des Aurès le cœur battant de leurs œuvres. Le gigantesque massif, dominant l'est de l'Atlas saharien, impressionne et fascine. Sa nature géologique lui confère un charisme quasi unique. Il est aussi et surtout par les expressions culturelles de sa composante humaine, le berceau d'une culture fièrement portée par les Amazighs chaouia. Photographe talentueux, couronné de succès, tant en Algérie qu'à l'étranger, Kays Djilali revendique, à son tour, un « droit de regard » sur la région qu'il découvre dans la foulée d'une louable initiative proposée par l'Association des amis de Medghacen. Le président de cette dynamique structure, Azzedine Guerfi, également patron des éditions Chihab, lui confie l'illustration d'un beau livre, assorti d'un vernissage, sur les richesses multiples des Aurès. C'est un trésor dont les clichés ont été présentés, samedi dernier, au Palais de la culture Moufdi-Zakaria, dans une exposition grandeur nature intitulée « Aurès : patrimoine, mémoire et résistance », mettant en avant quelque 140 photos, toutes aussi belles qu'originales. Bien au-delà de sa vocation artistique, légion chez de nombreux photographe, Kays Djilali entraîne son monde dans un univers multiforme où se mêlent, dans une parfaite harmonie, tout ce qui donne à cet Aurès,, tant chanté par ses enfants et ses amoureux, un caractère impressionnant. Quand l'homme rime avec nature Du luxuriant et verdoyant parc naturel de Belezma, au spectacle haut en couleurs offert par les palmeraies et les Séguias de M'chounèche, en passant par les vieilles habitations en toub, perchées sur les contreforts et les flancs de la « Montagne des Fauves »*... tout y est, ou presque. L'artiste n'oublie pas les hommes. Dans une série de portraits défile une procession de visages. Chacun raconte, à sa manière, son Aurès. On y voit d'anciens combattants de la guerre de Libération nationale, des pionniers de la chanson chaouie, dont la fulgurante danseuse, Hadda, présente au spectacle de Rahabba et de Baroud donné à cette occasion, des écrivains, comédiens, artisans, éleveurs... « Le mérite de Kays Djilali est de mettre en évidence le lien intime entre l'homme aurésien et son environnement », soutient l'écrivain et critique littéraire, Rachid Mokhtari, qui a pris part à cette aventure artistique. Le photographe varie ses plans, multiplie les compositions de ses images, fait jouer, à merveille, la lumière et l'ombre, pour mettre en valeur cette symbiose qui donne la mesure de cette exposition de haute facture. Entre Batna, Khenchela, Oum El Bouaghi et Biskra, Kays Djilali nous fait découvrir le potentiel touristique, très peu exploité, de la région en mettant en avant le patrimoine culturel matériel et les sites paysagers de la région à l'instar des villes romaines de Zana, Lambèse et Timgad, les gorges d'El Kantara ou encore les ksour de Biskra. L'agriculture locale est aussi représentée par des portraits, les palmeraies, les plantations d'abricots et d'oliviers dans les villages de N'gaous, Aït Yagout ou Châabet Ouled Chlih. L'objectif de Kays Djilali a été également d'immortaliser des métiers en voie de disparition, particulièrement dans l'habitat bâti en terre et l'artisanat, en plus de s'être baladé dans des fêtes populaires locales exposant ainsi les costumes, les musiques et l'artisanat local. « Il n'est pas facile de résumer tout l'Aurès dans une seule exposition, aussi grande soit-elle. Deux ans de labeur m'ont permis cependant de donner jour à ces clichés à travers lesquels j'ai voulu mettre en valeur les potentialités riches et variées de cette région », confie le photographe. Il a lancé un appel aux touristes pour aller découvrir un lieu sans commune mesure avec les autres régions du pays. Le même appel est repris par Azzedine Guerfi qui a annoncé toutefois que l'exposition sera présentée dans neuf pays, à commencer par le Venezuela. Amine Goutali Dérivé de tamazghit, Awras signifie « fauve ». Ainsi Adrar n'Awras est littéralement la « montagne fauve » en raison notamment du nombre important de fauves qui s'y trouvaient. Ils y pullulaient encore il y a à peine un siècle. Le mot renvoie aussi à la couleur jaune fauve du massif.