La rue ne recule pas. Les Egyptiens ne veulent plus du régime Moubarak et l'impressionnante marche d'hier était là pour le prouver et conforter cette coalition d'opposants à Hosni Moubarak qui a prévenu hier le gouvernement égyptien qu'elle n'engagerait pas de dialogue sur une transition politique tant que le président est au pouvoir. "Notre première exigence est le départ de Moubarak. Seulement après, un dialogue pourra débuter avec la hiérarchie militaire sur les détails d'un transfert pacifique du pouvoir", a déclaré Mohamed al Beltagi, cet ancien député des Frères musulmans qui a souligné que le Comité national de suivi des revendications du peuple -incluant les Frères musulmans, l'Association nationale pour le changement de Mohamed El-Baradeï, divers partis politiques et des personnalités représentant notamment les coptes- n'est pas près de céder sur ce point. L'opposant égyptien, Mohamed El-Baradei, a insisté lui aussi sur le départ "d'ici vendredi au plus tard" du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans, au huitième jour de la puissante révolte populaire que connaît l'Egypte. Les Egyptiens, qui manifestent depuis le 25 janvier pour réclamer le départ de Moubarak, "veulent en finir aujourd'hui (mardi), sinon vendredi au plus tard" avec le pouvoir de M. Moubarak, a déclaré El-Baradei à la chaîne satellitaire El-Arabiya. Pour leur part, des dizaines d'ONG égyptiennes des droits l'Homme ont appelé le président Hosni Moubarak à "respecter la volonté du peuple pour éviter un bain de sang", après plus d'une semaine d'une révolte populaire anti-gouvernementale sans précédent qui a fait plus de 120 morts. "Le président Moubarak doit respecter la volonté du peuple égyptien et se retirer du pouvoir pour éviter un bain de sang", ont insisté une cinquantaine d'ONG égyptiennes de défense des droits de l'homme dans un communiqué conjoint. Parmi ces ONG figurent notamment le Centre d'Etudes des droits de l'Homme du Caire, l'Association égyptienne des droits économiques et sociaux et le Centre arabe pour l'indépendance de la justice. Cette fermeté répond en fait aux revendications des manifestants, des milliers, Près de deux millions selon des sources, qui se sont regrouper à la place Al-Tahrir (place de la libération) au centre du Caire pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak. "Moubarak, pars en Arabie ou à Bahreïn!" et "On ne veut pas de toi, on ne veut pas de toi!", scandait la foule au Caire, qui s'est massée petit à petit à partir de l'aube. "Moubarak, lâche, agent des Etats-Unis!", entendait-on encore. En fin d'après-midi, les manifestants, dont certains scandaient "Révolution, Révolution jusqu'à la victoire!", n'avaient pas bougé de la place Tahrir. Parmi la foule se trouvaient aussi bien des avocats que des étudiants, des médecins ou des chômeurs. Ces scènes place Tahrir (Libération) contrastaient fortement avec les événements de vendredi dernier, jour où, au même endroit, les policiers avaient fait usage de gaz lacrymogènes, de leurs matraques et de canons à eau pour disperser la foule.
Mais c'est surtout la position de l'armée que les observateurs suivaient tout particulièrement hier. Cette armée était, il est vrai, dans une position embarrassante. Toutefois, elle a su s'en sortir estimant –dans un communiqué rendu public la veille- qu'elle juge "légitimes" les revendications du peuple en s'engageant à "ne pas faire usage de la force contre les manifestants". Le communiqué de l'institution militaire véhiculait des messages politiques précis aussi en direction des manifestants que du régime. Hier, les soldats ont déployé des barbelés aux abords de l'immense place, devenue au fil des jours le point de ralliement de la contestation, mais ils n'ont pas tenté quoi que ce soit face aux manifestants. Perchés sur des véhicules blindés constellés de graffiti anti-Moubarak, certains soldats souriaient même et opinaient tandis que la foule criait: "Le peuple et l'armée sont main dans la main."