Il n'y avait pas grand monde en ce vendredi soir à Hussein Dey. Le début de l'Euro 2016 y est pour quelque chose, mais ce sont surtout les résultats de la sixième, annoncés dans la matinée, qui accaparent tout l'intérêt. Des youyous fusent de partout, des congratulations aussi. Le quartier reste relativement calme, même après la fin du match. La rue de Tripoli, l'une des plus longues du pays, jadis poumon du quartier, est quasi désertique. Depuis que le tramway la traverse, elle a perdu son âme, et l'essentiel des activités s'est tourné vers les ruelles adjacentes. La placette, faisant face au siège de la daïra est occupée par les fidèles retraités, qui se rappellent du bon vieux temps où le poisson rouge occupait les bassins et où les enfants couraient dans tous les sens. A la cité Amirouche, des groupes de jeunes s'attablent autour d'une partie de dominos ou de cartes jusqu'à l'aube, loin du brouhaha de la ville. Plus bas, face au siège de la poste, les cafés et autres kiosques connaissent une grande affluence. L'endroit est devenu, par la force des choses, l'un des plus animés du quartier. Les rares cafés encore ouverts sur l'avenue Tripoli affichent une triste mine. « Avec le tramway qui passe tout le temps, l'ambiance est gâchée et puis pas moyen de garer sa voiture le long de l'avenue, et pour trouver une place dans le ruelles, il faut vraiment faire preuve de patience, c'est pourquoi beaucoup préfèrent aller prendre leur café ailleurs, garer leurs voitures tranquillement et ne pas subir les désagréments du tramway », lance Hamid, qui prend son café à la sauvette, parce qu'il doit aller faire sa tournée de contrôle à l'hôpital. La rue Boudjemâa Moghni (ex-Parnet) est devenue, par la force des choses, l'avenue commerçante par excellence et la voie de secours obligatoire pour les automobilistes. Ici, l'animation bat son plein. Mais, pour bon nombre d'habitants du quartier, les ruelles restent l'endroit idéal pour passer des soirées tranquilles, entre voisins. D'autres, pour profiter du beau temps, traversent l'avenue de l'ALN pour aller se rafraîchir aux sablettes. En dépit de l'affluence particulière des familles durant les soirées estivales, les jeunes ont leurs coins, leurs rochers. A la cité Brossette, et malgré le tramway, le temps semble s'être figé. Tout y est intact et les habitudes des enfants du quartier n'ont pas changé. Ici, le Ramadhan se vit à fond et l'ambiance dure jusqu'à l'aube, même si, cette année, les jeunes ont un pincement au cœur : leur club de toujours, le NAHD, n'a pas réussi à décrocher la coupe d'Algérie. La même ambiance et les mêmes regrets dans les bastions traditionnels du Nasria, dans les quartiers d'El Makaria (ex-Leveilley) et la cité Maya. Ici, on ne jure que par la revanche. « On se rachètera la saison prochaine et on prouvera à tout le monde que la Nasria n'est pas un petit club », lance Fateh, qui tient à nous montrer tous les murs de son quartier repeints à la gloire du NAHD. Dans ces quartiers, le temps semble s'être arrêté depuis des lustres, et les habitants vous diront que, pour rien au monde, ils ne changeraient cette ambiance.