Pour les sprinteurs tricolores, longtemps surnommés « les aristos » pour consacrer la noblesse de la piste dans le monde du cyclisme, les turbulences de l'olympiade ont préfiguré le quasi-fiasco de Rio, à peine atténué pour l'instant par une méritoire médaille de bronze dans la vitesse par équipes. A moins que François Pervis retrouve miraculeusement dans le keirin, mardi, le niveau qui l'avait porté à un triplé historique et solitaire aux Mondiaux en 2014 (vitesse, kilomètre, keirin). Une olympiade agitée Entre le déménagement de l'Insep au nouveau vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (début 2014), le départ tonitruant de Florian Rousseau de son poste d'entraîneur national (février 2013) et l'intérim peu convaincant du Néo-Zélandais Justin Grace pendant un an, les sprinteurs ont eu de quoi être déboussolés. A l'exception de Pervis, habitué à fonctionner pratiquement tout seul. Laurent Gané a été rappelé de Nouvelle-Calédonie pour combler le vide laissé par Rousseau, son ancien coéquipier et rival, symbole de l'âge d'or du sprint français (trois fois champion olympique entre 1996 et 2000). Les Mondiaux 2015 à Saint-Quentin-en-Yvelines ont préservé l'illusion que la France restait au sommet. A domicile, Grégory Baugé, Kévin Sireau, Michael d'Almeida et François Pervis ont tous ramené le maillot arc-en-ciel. Mais cette équipe, exposée au risque du vieillissement - Baugé et Pervis sont sur le pont depuis 2004 -, a échoué à passer la vitesse supérieure à Rio. « Je suis venu ici en essayant d'oublier le passé », a commenté Baugé, toujours orphelin de Rousseau. Une concurrence aiguë « Il y a quatre ans, on bataillait avec les tout meilleurs, là ce n'est pas le cas. Le niveau augmente chaque année, tout évolue », a constaté Baugé. A Londres, en 2012, trois coureurs étaient passés sous les 10 secondes sur le 200 m lancé. A Rio, ils étaient seize. En quatre ans, la tendance est à la hausse pour le choix des braquets. Quant aux éléments techniques de la performance (matériel, habillement, préparation), ils sont de plus en plus pointus. La Grande-Bretagne, sur son Olympe, donne le ton. Mais d'autres pays progressent. A Rio, les sprinteurs néo-zélandais et les poursuiteuses américaines ont poussé les Britanniques dans leurs retranchements. « J'espère que nous avons motivé d'autres nations plus petites pour montrer qu'on peut toujours y aller et essayer de gagner », a déclaré Sarah Hammer au nom du quatuor américain. Mais doit-on se résoudre à considérer la France, le pays le plus titré aux JO en cyclisme, comme une petite nation ? . Pour le sprint français, le temps est compté. Sous peine de reproduire les erreurs de l'après-Londres quand Rousseau, exaspéré, avait fini par claquer la porte. Un seul exemple : qui prendra la suite de Gané, désireux après cette expérience de rentrer en Nouvelle-Calédonie, selon des proches de l'équipe de France ? « On a beaucoup travaillé depuis deux ans, il faut qu'on continue », a répondu par avance le DTN Vincent Jacquet à ceux qui préfèreraient une réorganisation complète. « On doit faire évoluer nos méthodes de préparation, notre recherche, notre développement, porter une attention particulière sur le matériel. Il faut qu'on avance là-dessus ». Avancer, le maître-mot. Ce doit être aussi celui de Quentin Lafargue (3e aux Mondiaux 2015). A 25 ans, l'Aquitain préfigure la génération Tokyo 2020.