Même spectacle dans les grands espaces boisés qui abritent des trésors. Ce n'est pas un couple et une famille en pique-nique sous quelques feuillages d'arbre qui démentiront ce sentiment. Les gardes forestiers sont tout de même là pour prévenir un éventuel départ de feu dans les zones boisées de la région. Car en cette période de canicule, la végétation est tellement sèche que le moindre mégot peut provoquer l'irréparable. Au niveau du grand espace réservé au ski durant la saison d'hiver, un adolescent vend des bonbons, des cacahuètes et autres articles dans une cabine de fortune. Et si la canicule provoque une monotonie dans la ville, l'absence de moyens de transport ajoute à son isolement total. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les taxis clandestins s'en donnent à cœur joie pour pallier le manque. Ils assurent la navette entre Chréa et Blida au prix de 100 DA la place. On ne peut décemment attendre du téléphérique qu'il soit opérationnel devant ce lot de dysfonctionnements. Et pour cause, il ne sera remis en marche que le mois d'octobre prochain. Une entreprise mixte algéro-française devant prendre en charge la maintenance des équipements s'applique à réhabiliter la station de ce moyen de locomotion, à l'arrêt depuis plus de trois ans. « L'entreprise de transport urbain et suburbain de Blida et les opérateurs privés de transport refusent d'assurer une navette entre Chréa et Blida sous prétexte que la ligne n'est pas rentable », explique un chômeur de Chréa. Un élu, chargé de l'équipement et de l'urbanisme à l'APC de Chréa, a soutenu que « tout ce qui favorise la prise en charge des hauts responsables venant se ressourcer à Chréa est tout de suite pris en compte. En revanche, l'amélioration du cadre de vie de la population est totalement négligée ». Pour sa part, le président de l'APC, Amar Biskria, explique que c'est en 1984 que Chréa est devenue une commune qui attire des milliers d'amoureux de la montagne. « Le président Chadli était un visiteur passionné de cette région. En 1987, il a initié un plan d'aménagement pour rendre la commune plus attractive. 42 hectares de surface urbaine ont été dégagés alors. Des logements ruraux ont été construits et cinq assiettes ont été affectées à des projets d'investissement. Mais la décennie noire a tout bloqué. En 2000, la commune a bénéficié de plusieurs projets comme les 100 locaux commerciaux, une station pour la Protection civile mais malheureusement, tous ces projets ont été déclarés infructueux », regrette le P/APC. Chréa, une population de 700 familles La commune de Chréa est dépeuplée. Elle passe de 800.000 habitants à l'indépendance à 700 familles éparpillées tout le long de la chaîne de montagnes. L'insécurité des années 1990 y est pour beaucoup. Plusieurs villageois ont été contraints de quitter leurs domiciles sous la menace du terrorisme. Aujourd'hui, la vie a repris ses droits sous l'œil vigilant des éléments de l'ANP qui y a installé une unité permanente. Depuis le lancement du dispositif de l'Etat qui vise à inciter les familles à retourner dans leurs domiciles et reprendre le travail de la terre, la vallée de Chréa retrouve certains de ses habitants. L'absence de développement local n'encourage pas le retour massif de ceux qui sont partis. Le manque d'eau, de transport, d'éclairage public et de logements sont des facteurs dissuasifs. « Comment voulez-vous que les familles reviennent habiter à Chréa après avoir goûté aux avantages de la vie citadine ? », s'interroge-t-on. Développement et préservation de l'écosystème Dans le but de faire de la commune de Chréa un pôle touristique, plusieurs projets sont annoncés. Des chalets, des restaurants et des aires de jeux. Depuis plusieurs années, l'investissement dans cette localité est inexistant. En 2002, cette région montagneuse aux paysages féeriques est classée par l'Unesco comme une réserve de biosphère. Ce classement a en vérité pénalisé la région. Il a bloqué tout projet d'investissement. Résultat, les équipements font cruellement défaut. Selon Ramdane Nahal, directeur du parc national de Chréa, les investisseurs doivent respecter ce lieu naturel. « Chréa n'a pas besoin d'un hôtel 5 étoiles, mais juste d'auberges qui répondent à l'environnement. Chréa est un lieu naturel de grande importance. Il est dans l'intérêt de tous de préserver la dimension naturelle de cet endroit », souligne-t-il. Pour protéger l'écosystème, la direction du parc de Chréa a mis en place un plan pour canaliser la fréquentation des visiteurs. Des aires de détente et de jeux ont été mises en place dont les pôles d'attraction, comme celui de Hammam Melouane, Chréa-Centre et les gorges de la Chiffa. « Le parc de Chréa est le lieu touristique de montagne par excellence. Il propose des conditions de décompression, d'évasion et de ressource. Un lieu éco-touristique exceptionnel », estime le directeur du parc.
Un château d'eau de source La montagne de Chréa a un potentiel d'eau très important. Une zone humide avec une altitude de 1.600 m et une pluviosité appréciable. Avec ses deux bassins versants, celui de Hammam Melouane, à l'est et de la Chiffa à l'ouest, Chréa compte également 153 sources naturelles recensées depuis l'ère coloniale. Jusqu'à aujourd'hui, ses sources d'eau terminent leur cours dans les oueds de Hammam Melouane, la Chiffa et Magtaâ Lazreg. Les multiples cascades de plusieurs formes qui embellissent le paysage depuis fort longtemps au niveau de Chréa et de la Chiffa ainsi que le lac de Magtaâ Lazreg témoignent que la vallée regorge d'eau. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si la multinationale Nestlet a racheté l'usine d'eau minérale de Sidi El-Kebir pour lancer sa marque Aqua Nestelet en exploitant l'eau de Chréa. L'usine implantée à Beni Ali, à quelques bornes de la montagne de Chréa, dispose d'un système de captage presque naturel puisque l'eau va vers le contre-bas par gravité. Et si la commune de Chréa accuse un déficit accru en matière d'eau potable, elle alimente, cependant, la ville de Blida par 40.000 m3 par jour qui sont retenus dans un réservoir. Paradoxalement, elle alimente aussi la ville de Médéa à raison de 15.000 m3 par jour à travers un système de refoulement. Le barrage d'El-Affroune, lui aussi, est alimenté à hauteur de 21 millions m3 par an. Du côté de l'ouest, les eaux de Chréa alimentent le barrage de Douéra et le barrage souterrain de Tahmoult (Hammam Melouane) par 40 millions m3/an. « Chréa est comme ce cordonnier mal chaussé. La ville ne reçoit que 500 m3 par jour, alors qu'elle recèle un potentiel extraordinaire. C'est un problème de gestion et non de sources », explique Ramdane Nahal, directeur du Parc national de Chréa. Ce dernier évoque, par la même occasion, la vétusté du réseau de l'alimentation en eau potable qui, selon lui, date de l'ère coloniale. Le propriétaire de l'hôtel des Cèdres menace de fermer son établissement à cause de la rareté de l'eau. « Je débourse 12.000 DA /j rien que pour l'achat de l'eau. Un hôtel sans eau, ça ne marche pas », a-t-il déploré.
Un sanctuaire de la nature Eau, faune et flore. Une variété de richesses épargnées par la nuisance humaine. Sur les 26.567 hectares sur lesquels repose la vallée de Chréa, coexistent 1.152 espèces floristiques. Soit 36% de la richesse floristique nationale. Plus de 85% de la surface est couverte de végétation. Un potentiel qui favorise le développement de l'écosystème et surtout préserve le cèdre de l'Atlas blidéen du dépérissement. Le parc national de Chréa est adossé à une surface de 1.600 cèdres. 400 ont été plantés depuis 1983, date de création du parc. Selon Ramdane Nahal, le cèdre de Chréa et le plus jeune et le moins endémique, car il est plus proche de la mer Méditerranée que ceux qui existent dans la région de Batna. La végétation est constituée aussi de chêne-vert boisé, le thuya de Berbérie, le pin d'Alep... qui s'étendent sur des centaines d'hectares. Multiplication du singe magot et le retour des hyènes Pour ce qui du développement de la faune dans le parc de Chréa, Ramdane Nahal explique que les chercheurs relevant de ses services ont recensé une population de 700 singes magot composés de 17 groupes. Chaque groupe est composé de 30 à 35 individus qui vivent surtout dans la région de Tamasguida et les gorges de la Chiffa. Le retour en force de l'hyène rayé est remarqué ces dernières années dans le parc de Chréa. Cet animal qu'on croyait disparu à jamais, il s'est régénéré grâce à la densité de la végétation. « C'est un animal très intéressant, car il a le rôle de nettoyeur du parc. Il fait disparaître toute la charogne qui existe dans la forêt. Nous avons intérêt à le sauver », suggère Ramdane Nahal, en avouant que cet animal craintif a été à plusieurs fois soigné par ses équipes après avoir été blessé par l'homme. Le Parc national de Chréa abrite également plusieurs espèces d'oiseaux et de mammifères comme la genette, le lynx, la mangouste, le porc épic, le chacal doré, le renard, le sanglier. Parmi les espèces rares, on enregistre la loutre et la belette. Pour ce qui est des rapaces, ils sont surtout représentés par l'aigle royal, l'aigle de bonellie, le faucon pèlerin, le vautour fauve, le percnoptère d'Egypte. « Le parc de Chréa est peut-être un petit territoire d'un point de vue spatial, mais sa position topographique et ses conditions écologiques particulières font de lui un abri écologique remarquable pour la faune et la flore, et sa réputation de réserve de biodiversité unique à l'échelle internationale », explique le responsable selon qui cette concentration de richesse naturelle et touristique fait du parc de Chréa un partenaire privilégié de la recherche.