La tradition veut que le premier petit déjeuner du jour de l'Aïd soit accompagné de douceurs fait maison. L'essentiel pour ces mères de famille est de terminer le ramadan "en apothéose". Ainsi, elles réservent en principe les deux derniers jours de ramadan à la confection des gâteaux. Dans un climat qui ajoute à l'ambiance festive des soirées du mois sacré, en groupe ou individuellement, ces dames se font un plaisir de préparer par elles-mêmes les gâteaux de l'Aïd, malgré le poids considérable des efforts consentis dans la préparation des nombreux mets de l'Iftar. Les magasins spécialisés sont littéralement pris d'assaut. Les principaux ingrédients qui entrent dans la confection des gâteaux à savoir la farine, le sucre, les œufs, le beurre, le miel et la levure, sont achetés en grandes quantités. La tradition veut, également, qu'il y ait au moins trois sortes de gâteaux. Les tartines beurrées avec confiture sont oubliées un petit peu, le temps de déguster tous les gâteaux de l'Aïd. Car il faut faire honneur à ce jour béni et aux invités qui viennent rendre visite à la famille. Mieux encore, on déguste les gâteaux servis, on ramène une assiette pleine pour l'offrir et on retourne avec une autre pleine. A côté des traditionnels makrouts, samsa et tcharek, les mères de famille innovent avec d'autres ingrédients tels que la noix de coco, la pistache, les pignons, les noix et les noisettes. La palette des gâteaux proposée dans des livres spéciaux regorge de variétés aussi belles les unes que les autres. Même les appellations de ces nouveaux gâteaux révèlent une recherche raffinée : boules de neige, marguerite aux pistaches, rocher au chocolat, carré m'saker... Pour certaines familles, il faut absolument vivre son temps en élaborant des gâteaux modernes. D'autres veulent toujours préserver les traditions en proposant les douceurs classiques. Mais pour contenter tout le monde, certains ménages coupent la poire en deux en choisissant de présenter les deux genres pour faire plaisir à tout le monde. Ainsi, le makrout est bien disposé à côté de la boule de neige et le contraste n'est que meilleur pour les yeux et les papilles gustatives. Pour Zineb, arrière grand-mère, rien ne vaut les gâteaux traditionnels. Elle estime qu'ils sont «indémodables» au même titre que le Karakou et le seroual que les mariées doivent porter le jour du mariage. Cet avis n'est pas partagé par Amel qui veut que ses invités trouvent chez elle toutes sortes de gâteaux et notamment le genre qu'ils recherchent. Cette dame entre deux âges, enseignante à la retraite, veut faire plaisir à ses parents et à ses enfants. Deux générations diamétralement opposées que ce soit dans la façon de manger ou de s'habiller, voire de parler. La fille aînée d'Amel trouve que les makrouts, pour reprendre son expression, sont vieux jeu. «A chaque époque, sa politique, son style, sa mode, sa décoration, y compris ses recettes de cuisine et ses gâteaux, sinon on est taxé d'arriérés ou de périmés», n'a-t-elle cessé de répéter. Alors, il faut vivre son temps. La cadette d'Amel pense qu'il faut vivre son temps sans tirer, complètement, un trait sur le passé. Et comme dit le dicton, les goûts et les couleurs ne se discutent pas.