Les Etats-Unis font planer l'hypothèse d'une intervention militaire aéroterrestre pour déloger Mouamar Kadhafi qui, au quinzième jour d'une insurrection sans précédent, refuse de « dégager ». Pis, sourd à toute pression et aux bruits de bottes de ses opposants qui se préparent à marcher sur Tripoli, la seule grande ville qu'il contrôle encore, il affirme à qui veut l'entendre que son peuple l'adore et «mourrait» pour le «protéger» ! Hilarant. Le Pentagone ordonne à quelques bâtiments de l'US Navy stationnés dans le Golfe de se rapprocher des côtes libyennes, sans préciser toutefois leur mission. « Plusieurs plans sont à l'étude (...) nous sommes en train de repositionner des forces afin d'avoir la flexibilité nécessaire une fois que les décisions auront été prises», déclare le colonel David Laplan, porte-parole du département américain de la Défense, ajoutant que des avions seront également repositionnés plus près de Tripoli. La raison ? «C'est pour permettre au président Barack Obama d'avoir à sa disposition tout un éventail d'options face à la crise», dit-il, sans spécifier si le type d'action envisagé est militaire ou humanitaire. Hilary Clinton qui a estimé lundi à Genève où elle a participé à une réunion du Conseil des droits de l'Homme que Kadhafi qui a recours à «des mercenaires et des voyous» pour éliminer son propre peuple, doit partir, y compris en exil, a réitéré la position de son pays : «toutes les options sont ouvertes» y compris une intervention militaire. Eventualité qui irrite au plus haut point les Libyens. Le Conseil provisoire de l'opposition s'oppose à toute ingérence étrangère qui confisquerait sa « révolution ». Il attend surtout de la communauté internationale une chose : l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne qui empêcherait Kadhafi d'envoyer ses avions réprimer les populations. Cette idée, serait à l'étude avec les alliés européens, arabes et africains selon la Maison Blanche qui n'exclut pas, après avoir bloqué 30 milliards de dollars d'actifs libyens, «toute forme d'aide» à l'opposition libyenne basée à Benghazi. Selon plusieurs analystes, la Chine et la Russie pourraient brandir leur véto pour cette «zone d'exclusion» qui nécessite un mandat de l'ONU et l'implication de l'OTAN. Curieusement cette entrée en lice de l'Alliance a été évoquée déjà par Fidel Castro, le leader de la révolution cubaine et Dmitri Rogozine, l'ambassadeur de Russie auprès de l'OTAN. Selon les deux responsables, l'Alliance souhaite étendre après l'éclatement du Soudan en deux, son emprise en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et au Sahel «J'Y SUIS, J'Y RESTE» Kadhafi refuse de se soumettre. «Je reste», dit-il dans ses interviewes en Libye, rejetant la responsabilité des troubles sur les étrangers et Al-Qaïda, condamnant le Conseil de sécurité des Nations unies qui a décrété à l'unanimité des sanctions à son encontre et avouant être « surpris » par l'Occident qui l'a trahi en le laissant affronter seul la nébuleuse terroriste. Dans sa lancée, le leader libyen ose même qualifier la situation actuelle de son pays de «complètement calme». Il n'y a rien d'inhabituel. Il n'y a pas de troubles», répète-il à l'envie. Même s'il admet quelques minutes après avoir limogé le chef du service de renseignement Abdallah Al-Senoussi pour «répression exercée » et envoyé un émissaire, Bouzid Dourdah, le directeur des services de renseignements extérieurs, à Benghazi pour tenter d'établir un dialogue avec les insurgés. Notamment ceux qui s'apprêtent à recevoir des armes de la Grande-Bretagne. A Benghazi, une question taraude les esprits : Comment organiser une alternative politique durable dans un pays en proie au chaos, sans partis, sans syndicats et sans Constitution ? Hillary Clinton redoute un « vide institutionnel' » après le départ du leader libyen. « Il a œuvré profondément pour détruire et discréditer l'ensemble des institutions» qui devraient exister dans un Etat», dit-elle reconnaissant ainsi la possibilité d'une «somalisation» de la Libye. D'autant que l'armée est divisée.