Hier, au 14e jour d'un soulèvement sans précédent contre le colonel Kadhafi, les dirigeants de la contestation ont mis en place un «Conseil national indépendant», représentant les villes tombées aux mains de l'opposition, alors que les Etats-Unis se sont déclarés, dimanche, «prêts» à fournir «toute aide» aux opposants. Des opposants au régime du colonel Mouammar Kadhafi ont affirmé avoir touché hier, un hélicoptère militaire près de la ville de Misrata (150 km à l'est de Tripoli) après que l'appareil ait tiré des roquettes sur l'antenne de transmission de la radio locale. «L'hélicoptère a tiré trois roquettes sur l'antenne de transmission de Radio Misrata. Il a été touché par des tirs de canons antiaériens en riposte», a déclaré un porte-parole de l'opposition joint par téléphone à Misrata, sans être en mesure de confirmer des informations faisant état de la chute de l'appareil. Il a d'autre part affirmé que les forces «du bataillon Hamza» loyales au colonel Kadhafi ont pris «en otage plus de 400 étudiants de l'Académie de l'armée de l'air» située en banlieue de Misrata et les a conduits au siège du bataillon voisin. Il a, d'autre part, fait état de l'arrivée «la nuit dernière de renforts pour le bataillon Hamza (...) mais les soldats et officiers libres de l'armée libyenne et ceux qui ont rejoint la révolution sont aux aguets». L'opposition libyenne, forte du contrôle de l'Est et de plusieurs villes de l'Ouest, se préparait à marcher sur Tripoli où le colonel Mouammar Kadhafi, sourd à la pression internationale, continuait de minimiser l'insurrection sanglante qui ébranle son régime. M. Kadhafi et ses forces ne contrôlent plus que Tripoli et sa région. Au pouvoir depuis plus de 40 ans, il est resté inflexible, fustigeant les sanctions de l'ONU et assurant que la Libye était «complètement calme». «Des gens ont été tués par des bandes terroristes qui appartiennent sans aucun doute, à Al-Qaïda», a dit le colonel Kadhafi par téléphone à la chaîne de télévision serbe «Pink TV». Mais depuis le début de la révolte, le 15 février, qui a fait des centaines de morts, ses déclarations n'ont pas d'impact sur les insurgés. Ces derniers, désormais appliqués à remettre la population au travail dans l'est du pays, ont créé un «Conseil national indépendant» à Benghazi, deuxième ville du pays et fief de la contestation, chargé de représenter «toutes les villes libérées». Cet organe sera «le visage de la Libye pendant la période de transition», a déclaré son porte-parole Abdelhafez Ghoqa. «Nous comptons sur l'armée pour libérer Tripoli», a-t-il ajouté. A plus de 1.000 km à l'ouest, autour de la capitale, l'opposition revendique également le contrôle de plusieurs villes. Selon un membre du comité révolutionnaire de Nalout, à 230 km à l'ouest de Tripoli, ces villes sont «aux mains du peuple» : Al-Rhibat, Kabaw, Jado, Rogban, Zentan, Yefren, Kekla, Gherien et Hawamed. Sous l'autorité du gouvernement intérimaire «Nous nous plaçons sous l'autorité du gouvernement intérimaire de Benghazi (...) Nous préparons les forces pour marcher sur Tripoli et libérer la capitale du joug de Kadhafi», a ajouté Chaban Abu Sitta. A Sawiyah, à 60 km à l'ouest de la capitale, les manifestants anti-Kadhafi semblent contrôler la ville, mais les forces qui lui sont loyales en contrôlent l'accès et les alentours, selon des témoins. Les villes stratégiques de Misrata, à l'est, et Gherien, au sud, semblent aussi sous contrôle de l'opposition. A Tripoli, seuls circulaient les miliciens du colonel Kadhafi, à bord de 4X4. Des postes de contrôle ont été mis en place dans et autour de la capitale, où le pain et l'essence étaient rationnés, selon un habitant. D'autre part, les défections continuent dans les rangs des diplomates, officiers, ministres et responsables qui ont rejoint l'opposition, isolant encore plus Kadhafi et son régime. Kadhafi, génocidaire ? Par ailleurs, l'Union européenne a décrété hier des sanctions contre la Libye, dont un embargo sur les armes ainsi qu'un gel des avoirs et des interdictions de visa contre le colonel Mouammar Kadhafi et 25 de ses proches, allant au-delà des sanctions décidées, samedi à l'ONU. «Des interdictions de voyager, des gels de comptes bancaires, l'interdiction de ventes d'armes et d'objets pouvant servir à des mesures de répression» ont été décidés à l'unanimité, lors d'une réunion des ambassadeurs des 27 à Bruxelles, a déclaré un diplomate européen. La liste des personnes visées par les gels d'avoirs et les interdictions de voyager «est plus longue que celles des Nations unies», qui comportaient respectivement six et seize noms, a-t-il précisé. De son côté, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a annoncé hier, mener un examen préliminaire sur les violences en Libye, préalable à une éventuelle enquête pour crimes contre l'humanité, à la suite d'une saisine du Conseil de sécurité des Nations unies. «Le bureau du procureur examine actuellement des allégations d'attaques à large échelle ou systématiques contre la population civile», a déclaré M. Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse à La Haye. «Ceci pourrait constituer des crimes contre l'humanité et doit cesser». «La prochaine étape sera de décider si une enquête sera ouverte», a poursuivi M. Moreno-Ocampo, selon lequel cette décision devrait «intervenir dans quelques jours». L'UE en contact avec les insurgés Par ailleurs, l'UE est en train «d'établir des contacts» avec les autorités de transition libyennes, mises en place par les insurgés au régime de Kadhafi, a indiqué hier, une porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. «Nous essayons d'établir des contacts, c'est une action en cours», a indiqué Maja Kocijancik. Ces efforts européens «montrent une certaine disposition à aider et travailler» avec l'opposition libyenne, a-t-elle dit. A Genève, la session annuelle sur les droits de l'homme sera centrée sur la situation en Libye, et des sanctions seront également prises contre le régime de Kadhafi, d'ores et déjà accusé de 'crimes contre l'humanité''. Sur un autre registre, les Etats-Unis et ses alliés européens envisagent d'interdire tout survol de la Libye pour empêcher le massacre de civils par l'aviation libyenne fidèle à Mouammar Kadhafi, a indiqué, dimanche soir le «New York Times». Selon le quotidien, citant un haut responsable de l'administration américaine ayant requis l'anonymat, aucune décision n'a encore été prise. Le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré dimanche, qu'il était «temps de partir» pour le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, ajoutant qu'il n'avait pas de rôle à jouer dans l'avenir de son pays. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a estimé hier, qu'un exil du dirigeant Mouammar Kadhafi est «une possibilité» pour mettre fin à la révolte sans précédent qui secoue la Libye. Lors d'une courte conférence de presse, M. Carney s'est toutefois refusé à «spéculer» sur la possibilité de voir les Etats-Unis contribuer à un tel exil. «L'exil serait tout à fait une possibilité pour produire le changement» réclamé par les manifestants descendus depuis deux semaines dans les rues du pays, a indiqué M. Carney, en répétant que le colonel Kadhafi devait «s'écarter» du pouvoir, comme l'avait déclaré, pour la première fois, samedi le président américain Barack Obama. M. Carney a également affirmé que les Etats-Unis étaient en contact avec des groupes de la rébellion en Libye, mais qu'il était «prématuré» d'évoquer une reconnaissance de l'un ou de l'autre par Washington.