La restauration rapide, la disponibilité des produits et la variété des marques sont autant de facteurs qui ont changé la tendance de la consommation des Algériens, apportant ainsi leurs lots de désavantages. En plus de la flambée des prix et de la crise, un autre fléau s'y ajoute. Celui du gaspillage. La consommation alimentaire excessive des ménages engendre un phénomène nouveau, jamais connu auparavant. Ces temps-ci, il prend des proportions alarmantes. Pour s'en rendre compte, il suffit de jeter un coup d'œil dans les décharges qui débordent, quotidiennement, de toutes sortes d'aliments. Dans plusieurs quartiers populaires, des sachets en plastique remplis de restes d'aliments sont jetés aux coins des rues et parfois au beau milieu des quartiers. Selon Tahar Boulanouar, président de l'Association nationale des consommateurs algériens (ANCA), l'absence d'un programme de lutte contre le gaspillage alimentaire est criante en Algérie. Il est urgent, selon lui, d'associer tous les secteurs concernés, dont ceux de l'environnement, l'éducation nationale, le commerce, l'agriculture, la solidarité nationale notamment, avec l'implication des mosquées pour mettre fin à ce phénomène. Les raisons ? M. Boulanouar explique que le gaspillage ne se répercute pas seulement sur le plan social, mais aussi sur l'économie. « Les produits jetés, c'est de l'argent gaspillé », indique-t-il. Pour engager la lutte, il recommande de situer le niveau du gaspillage et le secteur aussi. Il cite comme exemple celui de l'agriculture. « En Algérie, certains agriculteurs jettent le surplus de la récolte en l'absence de moyens permettant de prendre en charge les saisonniers », dit-il. S'y ajoute « le manque de transport adéquat qui maintient la marchandise dans un bon conditionnement lors du trajet ». Conséquence : 20% de la marchandise est jetée à cause de la chaleur et de l'humidité lors du transfert. Se pose aussi le problème du stockage. Boulanouar explique que 30% de la marchandise conservée est défraîchie en raison de la mauvaise manipulation des chambres froides. Résultat, elle est jetée. Concernant le gaspillage ménager, les achats inutiles, la consommation irrationnelle et la mauvaise conservation font que plusieurs produits atterrissent dans les bennes à ordures. « La tendance au gaspillage touche davantage les produits subventionnés », fait remarquer notre interlocuteur. Son bilan fait état de plus de trois milliards de dollars d'aliments gaspillés annuellement par les Algériens, le pain surtout. Les chiffres avancés par Boulanouar font état d'une moyenne de 3 millions de baguettes de pain jetées quotidiennement. Ce qui équivaut à 100 millions de baguettes de pains gaspillées annuellement. A 10 DA l'unité, le spécialiste indique un total de 12 à 15 milliards de dinars de pertes annuelles uniquement pour le pain. Raison pour laquelle il préconise la transformation et le recyclage pour ne pas nuire à l'économie nationale. « La récupération est une pratique utile et rentable », fait-il savoir. Une idée à laquelle se joint l'Association de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (Apoce). Son président, Mustapha Zebdi, a fait remarquer qu'une quantité considérable de toisons de moutons sacrifiés lors de l'Aïd El Adha a été jetée. « C'est du gâchis ! », regrette-t-il. « La laine peut être récupérée et servir à beaucoup de choses », poursuit-il. Dans ce contexte, il recommande la mise en place d'un mécanisme de récolte pour booster l'industrie du textile et celle du cuir. Engagés dans la même cause, celle de protéger les consommateurs, les deux partenaires tablent sur la sensibilisation dans les institutions publiques, les écoles, les organisations patronales ainsi que le mouvement associatif pour lutter contre le gaspillage et rehausser l'économie nationale.