La trêve humanitaire n'a pas réussi à faire sortir les 200 blessés, bloqués dans les quartiers est d'Alep aux mains du Fatah El Cham. Si l'ONU, réclamant en vain une prolongation du cessez-le-feu, évoque des conditions de sécurité insuffisantes pour justifier le ratage de cette énième trêve, Moscou pointe l'index sur les rebelles accusés d'empêcher par les « menaces, le chantage et la force brute » les blessés de quitter Alep, selon le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Les huit corridors sont restés longtemps déserts. Au final, huit combattants blessés et sept civils seulement auront quitté le secteur rebelle. « Personne n'est sorti par les couloirs », a confirmé le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Sur le terrain, les combats ont de nouveau éclaté. Dans la nuit de samedi à dimanche, un déluge de roquettes et d'obus s'est abattu sur un quartier d'Alep-Ouest, tenu par le gouvernement, tandis que des tirs d'artillerie et des frappes aériennes ont visé l'est de la ville, a indiqué l'OSDH. Une catastrophe humanitaire est redoutée. Mais le retour à la case départ traduit la persistance des divergences entre les parrains de l'accord mort-né du cessez-le-feu, tenus d'exercer des pressions sur leurs alliés réciproques pour favoriser une reprise des pourparlers sur la transition politique. Il est clairement établi que Washington a lâché la bride aux rebelles, accusés par Moscou de « profiter du cessez-le-feu » pour préparer une offensive de grande ampleur. Fondamentalement inscrite dans la liste des organisations terroristes par l'ONU et les Etats-Unis, la représentation syrienne d'Al-Qaïda, sous quelque dénomination que ce soit, ne peut logiquement profiter de la caution américaine attribuée à l'opposition dite modérée. A contrario, la coalition menace des foudres de guerre Damas rendu coupable de l'usage des armes chimiques dans la province d'Idleb, selon un rapport confidentiel transmis au Conseil de sécurité. Bloquée par la Russie opposant son veto sur le projet d'arrêt des bombardements d'Alep, la France a réclamé, samedi dernier, l'adoption au Conseil de sécurité d'une résolution condamnant l'usage d'armes chimiques en Syrie et prévoyant des « sanctions » contre les auteurs de ces actes « inhumains ». Le syndrome irakien, marqué par l'épisode contesté des armes de destruction massive inexistantes, plane sur la Syrie. Cette réalité n'a pas échappé à la vieille tradition occidentale privilégiant le recours à la « propagande » et au « parti pris ». Dans une analyse comparative, le spécialiste des questions du Moyen-Orient, Patrick Cockburn, a mis en exergue les incohérences des expéditions de la coalition internationale occidentale à Mossoul, en Irak, et l'intervention de la Russie à l'est d'Alep en Syrie présentant les mêmes caractéristiques des deux villes « assiégées par les forces progouvernementales fortement soutenues par une puissance aérienne étrangère ». Pourtant, la couverture médiatique est totalement différente. « Pendant que le bombardement de l'est d'Alep a provoqué la révulsion et la condamnation dans le monde entier, les médias internationaux traitent différemment une situation similaire à Mossoul, à 300 miles (482 km) à l'est d'Alep », a relevé le journaliste et écrivain, Patrick Cockburn. Les « insurgés » d'Alep deviennent des « terroristes » à Mossoul, accusés, contrairement au Front Nosra rebaptisé Fatah Al Cham, de mettre en danger les civils en les utilisant comme boucliers humains et en les empêchant de quitter la ville irakienne. « Trompés par les propagandistes de l'opposition et leur propre vœu pieux, fonctionnaires et journalistes des gouvernements étrangers avaient totalement mal interprété le paysage politique local. La même chose se produit aujourd'hui », a affirmé l'analyste britannique.