Chaque week-end ou jour férié, la ville de Tipasa et ses forêts limitrophes sont littéralement assaillies par des dizaines de familles et de groupes d'amis, pour profiter de l'été indien finissant. En ville, impossible de trouver facilement une place pour garer sa voiture. Les deux immenses espaces qui servent de parking affichent complet avant même la mi-journée. Un décor qui ressuscite l'ambiance estivale au grand bonheur des commerçants, notamment les restaurateurs et les patrons de café et de salons de glaces qui ceinturent le quartier du port et le parc archéologique ouest, communément appelé les Ruines romaines. A quelques encablures de ces endroits, la petite ville de Chenoua semble paisible et retrouvre doucement son calme après un été houleux et bruyamment animé par des milliers d'estivants, en quête de vacances et de farniente. La grande artère qui traverse la ville se réveille de temps à autre de son sommeil au passage d'une voiture. La ville est si paisible qu'on distingue aisément le chuchotement des clients attablés sur les terrasses des cafés. « Même en hiver, Chenoua reste une attraction pour les familles, surtout lorsque le soleil s'invite et chasse la morosité hivernale », remarque un habitant de la ville. Descendre à l'emblématique plage Chenoua, depuis la grande rue de la ville, prend moins d'une minute. Pour les impatients, amoureux de la grande bleue et amateurs de marche sur le sable fin, qui se déroule sur des centaines de mètres, rien ne sert de hâter la cadence, car les retrouvailles avec leur plage adorée risquent d'être décevantes. Et pour cause ! Son légendaire rivage, au sable fin doré, semble écrasé sous le poids d'une laide chape de détritus de toutes sortes. Les bouteilles en plastique, les canettes et d'autres objets non dégradables évoluent, si l'on peut dire, en terrain conquis. Une barrière d'algues mortes ornées de déchets empêche les vagues de mourir de leur belle mort. Pauvre Chenoua ! En ce 1er novembre, il fait beau. Le soleil qui trône au milieu d'un ciel bleu tacheté de quelques nuages blancs, arrose, de sa douceur, Chenoua et ses contrées. On pique une tête malgré tout De temps à autre, une brise marine venant du nord- ouest imprime à la mer un mouvement de ressac presque imperceptible. Sur le rivage, quelques familles partagent un repas. Ne résistant pas à l'appel de la mer, certains téméraires n'ont pas hésité à effectuer quelques brasses. Parmi ces derniers, une jeune adolescente a bravé l'eau froide. Grelottant de froid, sa mère assise avec une copine sous un parasol semble rire de la scène. « Je t'avais prévenue. T'as eu ce que tu méritais », lance-t-elle en souriant. A notre question de savoir si les ordures qui jonchent le rivage n'incommodent pas la beauté de ces lieux, la maman s'est contentée de s'indigner en hochant la tête. « Ce n'est pas tous les jours que je profite de la plage et ce ne sont pas ces détritus qui vont m'en empêcher. Et puis, là où vous irez, c'est sale », réplique-t-elle. Comme elle, un Algérois venu avec son épouse passer du bon temps à Chenoua, n'a pas, lui non plus, résisté à la tentation de piquer une tête. A la différence de la pauvre adolescente, lui, il a ramené tout un équipement pour nager et se protéger des coups de froid à sa sortie de l'eau. Lui, également, semble s'accommoder du décor répulsif du rivage. « Que voulez-vous que j'y fasse ? Ce sont les rejets de la mer. Avec la houle des journées précédentes, il fallait s'attendre à ce que le rivage soit dans cet état », justifie-t-il. En effet, une bonne part des immondices qui envahissent la berge de la plage provient des rejets de la mer. Compte tenu de la position géographique de ce site de baignade, se trouvant à l'extrémité ouest de la baie de Bou-Ismail, qui s'étale de la presqu'île de Sidi Fredj à la Pointe du Four, il se transforme en une zone d'accumulation de déchets solides que charrient les courants marins, de différents points de la baie en question. A défaut donc de nettoyer les fonds proches et le rivage de la plage, la pollution y régnera invariablement en maître. Et ce ne sont pas les rares campagnes de nettoiement, intervenant avant chaque saison estivale, qui pourraient y remédier. L'indélicatesse de certains individus qui viennent ici, souvent en famille, sont l'une des causes principales de la pollution ambiante. Ils ne prennent même pas la peine de ramasser leurs propres ordures. C'est pathétique ! », commente un amateur de pêche à la ligne. Et d'ajouter : « De temps à autre, des citoyens conscients de la gravité de la situation viennent soulager Chenoua des détritus laissés par les autres. Mais cet élan de civisme reste impuissant face au laisser-aller ambiant. » Il est pourtant facile d'aider Chenoua à retrouver sa superbe, en évitant de jeter ses restes tout simplement. Un petit geste pour le citoyen, mais un immense service pour Dame Nature.