Les anciens « kasbadji » auraient sûrement aimé voir leurs lointains « descendants » aux premières loges du TNA, savourer le récital andalou, « Il était une fois à Grenade », présenté, jeudi dernier dans la soirée, par Leïla Borsali. Mais la vieille médina est, aujourd'hui, en rupture avec cette musique à qui elle a pourtant donné ses plus grands maîtres, Sid Ahmed Serri, les Frères Fakhardji... le genre, en effet, ne fait plus recette malgré quelques louables tentatives visant sa vulgarisation. Elles ont toutes buté sur le refus d'une « élite », peu encline à en partager l'essence. Si elle fait grandement partie de celle-ci, Leïla Borsali a néanmoins de quoi revendiquer sa posture. Le bonheur qu'elle a procuré à ses convives en est la preuve. Plus de deux heures durant, la jeune diva a plongé son monde dans une allègre escapade chantant la beauté de la lointaine Andalousie. Loin de la nouba classique, Borsali innove et subjugue son public. Mêlant les vers des mouachahate, à quelques textes chantés en ibère, elle invite ses hôtes à replonger dans les délices de l'Alhambra. Les compositions andalouses sont chantées en arabe (Ferqet diar el andalous, hadhret el andlous, Bkit min chawk el hob...) dans une rythmique variée (neklab, btayhi...). Elles sont précédées par des lectures de textes tirés des « Contes de l'Alhambra » de Washington Irving. Une prose qui fait appel aux sortilèges de la dernière forteresse conquise par les Castillans, ses jardins, sa musique, ses princes, et... bien évidemment Abou Abdallah (Boabdil) qui n'a pas su défendre son pays dont il a pleuré la perte. Le nombreux public présent dans la salle Mustapha-Kateb a pu prendre part à un voyage onirique décliné en quatre parties par Leïla Borsali et les huit musiciens de son orchestre dirigé par Leïla El Kébir au violon. Dans cette fusion prolifique des genres, la cantatrice, à la voix suave, entend établir des « passerelles » en restituant, dans des situations multiples, « un ressenti identique », se gardant, a-t-elle précisé, de toute idée de « relater des faits historiques ». « Les extraits littéraires ou chantés en espagnol et les pièces présentées de notre patrimoine andalou restituent, dans des contextes différents, les mêmes émotions de chagrin, de mélancolie, d'amour et de liberté », explique la chanteuse. Une force vocale La mélodie s'entonne en fonction de la verve des poèmes. Tantôt chantante et « enchantante », tantôt triste et mélancolique... c'est là un art que Leïla Borsali manie si bien. Le public est, naturellement, toute admiration, applaudissant chacune de ses envolées lyriques. L'ancienne sociétaire de l'association des Beaux-Arts d'Alger ne s'est pas contentée de reprendre le vieux corpus de la sanaâ. Elle puise dans le répertoire d'un célèbre chanteur espagnol, natif de Grenade, Carlos Cano. « C'était aussi un poète qui récupéra des styles andalous oubliés, comme la copla andaluza, ou le paso doble. Il fut un grand ami de la chanteuse María Dolores Pradera. Ses chansons les plus connues sont ‘'Verde, blanca y verde'', ‘'María la Portuguesa'', ‘'La murga de los currelantes''... », lit-on sur quelques sites web rapportant sa biographie. Le public, savourant chaque instant du spectacle dans l'allégresse et la volupté, a vécu une expérience inhabituelle, mise au point par l'artiste qui s'investit dans la recherche en quête de nouveautés dans la forme et le contenu. La prestation de Borsali était à la hauteur des attentes de ses fans. Flanquée d'un orchestre de jeunes musiciens, mais bien cossus artistiquement, la jeune « andalouse », qui, contrairement aux suages, ne porte pas d'instrument, a fait montre d'une force vocale assez notable. Elle fait d'elle, aux côtés d'autres jeunes interprètes, telles que Imene Sahi, Hasna Hini, Meriem Ben Allel, l'une des porte-voix actuelles de la musique andalouse.