Le ministre a indiqué, lors de son intervention devant les députés, que le système national de retraite constitue le socle de la solidarité intergénérationnelle. Les travailleurs actifs cotisent pour plus de trois millions de retraités depuis des années, dans le cadre d'une large couverture sociale, à l'instar de tous les pays du monde. Aujourd'hui, la donne a changé. Il faudrait se mettre au diapason des mutations entreprises en ce sens à l'échelle internationale en vue de préserver l'équilibre de notre Caisse nationale des retraites notamment en ces temps « rudes et difficiles ». D'où cette décision de remodeler notre système de retraite, revu par le passé en 1997 en vertu de l'ordonnance instituant la retraite proportionnelle et la retraite sans condition d'âge, dans des conditions « spéciales » et pour une période « transitoire », mais qui a malheureusement perduré au détriment de son rendement. En tout, 916.000 retraites anticipées ont été enregistrées depuis cette date. L'équivalent de 52% du nombre global des retraités. Ce qui a coûté à la CNR 405 milliards de dinars. « Par souci de préserver le système national de retraite, le gouvernement a présenté ce projet de loi en application de son programme adopté par le Parlement en 2014. L'Exécutif a associé les partenaires sociaux et le patronat dans le cadre de la dernière tripartite », rassure le ministre en faisant remarquer que cette reforme vise à revenir à l'âge minimum de 60 ans fixé pour la retraite en tenant compte du degré de pénibilité des métiers. L'objectif étant de « protéger notre Caisse nationale des retraites en lui épargnant la faillite dans un esprit de solidarité sociale », ajoute El Ghazi qui soutient que l'Algérie se doit de se joindre aux politiques engagées par les pays développés en ce sens. Ce texte, qui a fait couler beaucoup d'encre bien avant son arrivée à la chambre basse, a suscité l'intérêt des députés. Plus de 157 parlementaires se sont inscrits pour intervenir dans les débats qui devaient se poursuivre jusqu'au soir. La séance s'est tenue « sous haute surveillance » puisqu'un dispositif sécuritaire a été mis en place autour de la chambre basse en vue de contenir l'action de protestation initiée par l'intersyndicale. Les députés de l'opposition ont d'ailleurs déploré cet état de fait. Les représentants des groupes parlementaires du Front des forces socialistes (FFS), du Parti des travailleurs (PT), de l'Alliance pour l'Algérie verte (AAV) et du Parti pour la justice et le développement (PJD) ont annoncé la couleur dès l'entame de la plénière. Ils ont décidé de boycotter la lecture du rapport préliminaire, en signe de protestation contre leur non association à l'élaboration du rapport. Chafaï Bouaïche a affirmé à la presse qu'il est « inconcevable de prendre part à un débat dans un Parlement sous embargo ». « C'est une honte », tonne-t-il en rejetant en bloc le contenu de ce projet de loi qui menace de « porter atteinte aux acquis sociaux des travailleurs ». Lakhdar Benkhellaf, député du FJD, est allé plus loin. Il a déploré le fait de soumettre aux élus, lors des travaux de la commission, un rapport « truqué et préfabriqué ». A cela s'ajoute la non association de l'intersyndicale qui voulait donner son avis. Youcef Khababa, député du parti Ennahda, partage cet avis en faisant remarquer que « même Mohamed-Larbi Ould-Khelifa, président de l'APN, est intervenu pour refaire le rapport, en vain ». Il a souligné que ce texte sera abordé « dans la précipitation » puisque son adoption est prévue pour mercredi prochain alors que les débats devraient s'étaler sur dix jours. Le MSP, par la voix de Belkaïd Abdelaziz, a estimé qu'il fallait opter pour une période transitoire afin de préparer les mentalités avant de passer à l'acte « brutalement » et changer notre système de retraite. « Le régime de retraite a duré plus d'une quinzaine d'années. Difficile aujourd'hui de convaincre les travailleurs de renoncer à leurs acquis », indique-t-il. Bakir Kara Omar, député du RND, a défendu une tout autre position. Il a salué le contenu de ce projet intervenant dans une conjoncture sensible et devant éviter à l'Algérie l'endettement extérieur. « L'endettement des années 1990 a laissé de très lourdes séquelles. Grâce à la sage décision du chef de l'Etat, nous avons préservé notre souveraineté de décision », souligne-t-il. Samira Karkouche, député du FLN, est favorable au principe de l'application graduelle de la réforme de la retraite. Elle propose l'élargissement des débats autour de ce texte de loi « pour l'intérêt national », comme elle suggère également la révision de la durée du congé de maternité étant donné la prolongation de l'âge de départ à la retraite. La même députée s'est dite favorable aussi à la révision de l'allocation familiale notamment au profit des salaires moyens. A noter que la Commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la formation professionnelle de l'APN a réaffirmé dans son rapport préliminaire le souci de l'Etat, à travers ces nouvelles mesures législatives, de garantir le droit des générations montantes à la pension de retraite et la pérennité du financement de la CNR. La commission a préconisé la mise en place de normes fondées et rigoureuses afin d'établir la liste des métiers pénibles sans précision des fonctions pour éviter toute erreur de classification, appelant à définir des mécanismes efficaces pour garantir le financement de la CNR et à s'éloigner des solutions conjoncturelles.