Entre le cinéma et la littérature, trône une histoire d'amour, tantôt idyllique tantôt controversée. C'est le cas notamment du septième art arabe, objet d'un essai collectif fort intéressant (Littérature et cinémas arabes, Chihab) sous la direction d'Ahmed Bedjaoui et Michel Serceau. Edité en langues arabe et française, l'ouvrage se propose de corriger certaines idées reçues occidentales sur le grand écran arabe et de combler un vide qui, au final, ne l'est pas. Autrement dit, le cinéma n'avait pas seulement une vocation populaire, comme c'était le cas en Egypte. Il n'était pas aussi une arme de combat tel qu'on l'a vu dans les pays du Maghreb au lendemain de l'indépendance, ou n'avait pas encore le caractère protestataire d'aujourd'hui à l'aune du « Printemps arabe ». « L'objectif de cet ouvrage est de combler un manque en demandant à des critiques et spécialistes d'apporter les compléments d'information nécessaires », expliquent les deux maîtres d'ouvrage. A une présentation monographique et exhaustive de l'ensemble des œuvres produites par le cinéma arabe, ces derniers ont préféré une approche ayant pour centre d'intérêt la place de la littérature dans la production des films, « qu'ils soient d'auteur ou pas ». Autrement dit, il s'agit d'évaluer l'envergure de l'adaptation des œuvres littéraires au grand écran. Les deux auteurs évoquent, dans l'introduction, les relations « difficiles » entre les deux formes d'expression culturelle. A leurs yeux, l'adaptation, que beaucoup ont qualifiée de « trahison », s'avère, bien au contraire, « essentielle », voire cruciale. Notamment dans les sociétés où l'oralité a longtemps dominé les récits littéraires. Evoquant le cinéma égyptien, pionnier dans le monde arabe, les deux spécialistes mettent l'accent sur les grandes œuvres littéraires de Tawfik El-Hakim, Youcef Idriss, Nadjib Mahfoud, adaptées par de grands réalisateurs à l'image de Kamel Salim ou Salah Abou Seif. Les pays du Maghreb, l'Algérie en particulier, ne sont pas en reste. Tout un chapitre y est consacré. « C'est en Algérie que l'on trouve le plus grand nombre d'œuvres littéraires portées à l'écran, mais aussi d'auteurs attirés par l'écriture des scénarios », soutiennent-ils. On y compte près de 90 films ayant une relation avec la littérature, « que ce soit à travers des adaptations ou des participations d'écrivains à l'élaboration des scripts ». Parfois même, comme ce fut le cas d'Assia Djebar, par la réalisation. En plus de l'Algérie, les deux auteurs se sont également intéressés à la Tunisie et au Maroc où les adaptations, tiennent-ils à souligner, sont plus « ténues ». Ouvrage fourni, il propose aux lecteurs des textes de synthèse sur les adaptations réalisées dans plusieurs pays arabes. Un volet est réservé à la part de la littérature classique, arabe moderne, occidentale, romans, nouvelles, pièces de théâtre, mais aussi de contes et légendes, y compris pour le Maroc et l'Algérie, celles issues des langues mères comme le tamazight. En exemple, ils citent « La Colline oubliée » du regretté Abderrahmane Bouguermouh, filmé « en pays berbère avec des dialogues entièrement en tamazight », lit-on.