Le compte à rebours a bel et bien commencé pour le président Ali Abdallah Saleh. Son départ est prosaïquement inéluctable. C'est une question de jours. Peut-être d'heures. Après le carnage de vendredi dernier, où 52 manifestants ont péri sous les feux de ses snipers, selon l'opposition, d'aucuns accordent à dire que le « maître » contesté du Yémen a précipité sa propre chute. Les concessions qu'il a multipliées ces derniers jours, sous la pression de la rue (promesses de réformes constitutionnelles, limogeage du gouvernement…), ont, plutôt, scellé sa fin de règne, qui aura duré trente-deux années. Les défections en boucle et en masse de ses plus proches collaborateurs (ministres, ambassadeurs, hauts fonctionnaires de l'Etat…) ont connu, hier, une autre tournure, et de taille : une soixantaine d'officiers de l'armée a rallié le mouvement de contestation. Ces gradés de tous rangs, ainsi que des soldats ont annoncé leur décision devant les manifestants. La plus importante défection a été celle de l'un des principaux officiers, le général Ali Mohsen Al-Ahmar, commandant de la première division blindée, qui a déclaré soutenir, au nom de ses officiers, la révolte pacifique des jeunes qui campent place de l'Université à Sanaâ. Le général, issu de la plus influente tribu du pays, a accusé le chef de l'Etat de « réprimer les manifestants pacifiques » et de « pousser le pays vers la guerre civile». Le plus important chef tribal, cheïkh Sadek Al-Ahmar, de la puissante confédération tribale des Hached, dont sont issus le chef de l'Etat et le général dissident, a appelé le chef de l'Etat à une « sortie honorable ». « J'annonce, au nom de tous les membres de ma tribu, notre ralliement à la révolution », a déclaré le vieux patriarche en demandant à ce dernier « d'éviter l'effusion de sang ». Autre dissidence, non moins importante : la démission du gouverneur d'Aden (sud), deuxième ville du pays, Ahmad Qaâtabi. La réaction du chef de l'Etat yéménite à cette saignée au sommet de l'Etat et des forces armées, ne s'est pas fait attendre. Des chars se sont déployés en force à Sanaâ, notamment autour du palais présidentiel, après l'annonce de la défection d'Ali Mohsen Al-Ahmar. Les blindés ont également pris place aux abords du ministère de la Défense et de la banque centrale. Lâché par de nombreux ambassadeurs (ONU, en Arabie Saoudite, Koweït, Chine) qui ont officiellement rejoint la contestation, Saleh fait l'objet de critiques très vives. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a condamné hier avec force les tirs à balles réelles contre les manifestants. « Le gouvernement yéménite a l'obligation de protéger les civils. J'appelle à un maximum de retenue et à mettre fin à la violence », a déclaré M. Ban Ki-moon en indiquant qu'« il n'y a pas d'alternative à un dialogue global portant sur des réformes politiques, sociales et économiques, pour traiter la crise politique ». Comme Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, le président yéménite affirme à qui veut l'entendre et croire que la « majorité du peuple » le soutient.