L'inquiétude, notamment de la société civile, commence à se faire entendre en France, trois jours après l'intervention militaire occidentale en Libye. L'intervention militaire internationale en cours en Libye est une « entreprise qui dépasse largement la résolution onusienne » adoptée jeudi dernier par le Conseil de sécurité, estime Mme Mansouria Mokhefi, chargée du programme Maghreb et Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales (IFRI). Cette action militaire qui a débuté samedi est une «entreprise qui dépasse largement la résolution onusienne et qui ressemble fort à une campagne contre un pays arabe», déclare Mme Mansouria Mokhefi. «A court terme, on a très bien compris les enjeux et les prétextes (de cette campagne) mais, quand on regarde les images à la télévision, cela ressemble fort à une campagne de destruction et, là, il me semble qu'on est bien au-delà de ce que la résolution du Conseil de sécurité a indiqué», a expliqué Mme Mokhefi. Pour elle, on est en train de «détruire des infrastructures d'un pays» et cela va, selon elle, «au-delà du régime» du colonel Kadhafi Mme Mokhefi s'est également montrée «inquiète» du fait que la Ligue arabe ait sollicité cette «aide» dans la résolution de la crise libyenne, excepté, a-t-elle fait remarquer, l'Algérie et la Syrie qui ne sont pas parties prenantes et auxquelles «l'évolution des choses donne raison». Pour Mme Mansouria Mokhefi, la question nodale qui se pose est ce que l'on devrait faire après avoir instauré cette zone d'exclusion aérienne et sécurisé la population de Benghazi. «Est-ce qu'on va permettre la partition du pays ? C'est une question qu'il est légitime de se poser», a-t-elle dit. Selon elle, «il faudrait repenser le rôle de la Ligue arabe, comme il faudrait repenser ce droit ou devoir d'ingérence qui s'applique toujours aux pays arabes». «Nous n'avons pas vu une telle mobilisation en Côte d'Ivoire où Laurent Gbagbo est en train de s'acharner contre sa population». Un autre chercheur à l'IFRI, Philipe Moreau Defarge, a relevé l'attitude «changeante» de la Ligue arabe. « Il faut que les Etats arabes arrêtent de jouer sur deux gammes : d'un côté, la Ligue arabe souhaite une intervention occidentale, et dès qu'il y a intervention, les critiques surgissent», a-t-il dit. Amnesty International France a exhorté toutes les parties à faire de la protection des civils en Libye leur «priorité» et de la placer «au-dessus de toute autre considération». Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a exprimé son «inquiétude» face à toute intervention qui «risque de ne pas se limiter à la stricte protection des populations civiles». Pour le MRAP, les changements «démocratiques et sociaux» réclamés en Libye «ne sauraient être imposés par des interventions militaires étrangères».