Dans plusieurs villes, comme Denizli, au sud-ouest, 60 personnes ont déjà comparu, et les 41.000 suspects ont été présentés à la justice. Mais c'est à Istanbul, précisément dans la grande salle d'audience située en face de la prison de Silivri à forte charge symbolique, que le groupe des 29 policiers sera jugé pour « tentative de renversement de l'ordre constitutionnel » et « tentative de renverser le gouvernement ou de l'empêcher de remplir ses devoirs ». Parmi les accusés, 21 risquent chacun jusqu'à trois peines de prison à perpétuité, alors que les huit autres encourent jusqu'à 15 ans d'enfermement pour « appartenance à une organisation terroriste armée ». Trois pilotes d'hélicoptère de la police sont également poursuivis pour avoir refusé de transporter des équipes des forces spéciales mobilisées pour assurer la protection de la résidence présidentielle de Huber, à Istanbul. D'autres policiers sont accusés d'avoir refusé d'obéir à l'ordre de s'opposer aux putschistes et d'avoir tenté de décourager toute résistance populaire en postant des messages sur les réseaux sociaux. Alors que la chasse aux « gülenistes » — les partisans du prédicateur tenu pour responsable du coup d'Etat avorté — bat son plein à tous les niveaux des institutions de l'Etat, le premier procès des conjurés participe du démantèlement de « cette vile organisation » enracinée dans « les rangs de la police, tout comme dans notre armée », a déploré le président turc, pointant du doigt l'assassin de l'ambassadeur russe présenté en partisan de la mouvance güleniste désormais placée dans le registre des organisations terroristes. Le rythme des arrestations a repris de plus belle. Près de 150.000 personnes ont été limogées dans l'armée, la police et la fonction publique. Au cours de la semaine dernière, 1.096 arrestations en lien avec l'organisation güleniste ont été opérées, selon le ministère de l'Intérieur. La purge s'est étendue aux milieux prokurdes et aux médias, suscitant une inquiétude croissante de l'Occident, dénonçant les atteintes à la liberté d'expression et la dérive autoritaire d'Erdogan. Pas moins de 100 professionnels des médias sont incarcérés en Turquie. Plus de 150 médias ont été fermés. Sur les 275 personnes — journalistes, officiers, avocats, universitaires — condamnées pour avoir conspiré contre Erdogan, la plupart d'entre eux ont ensuite été innocentées par les autorités turques, qui accusent les « gülenistes » d'avoir truqué les affaires et fabriqué des preuves de toutes pièces. La répression s'est amplifiée contre les Kurdes, avec l'arrestation de maires dans une cinquantaine de villes du sud-est du pays et de nombreux dirigeants du parti prokurde HDP, y compris des parlementaires, ainsi que la fermeture de nombreuses écoles enseignant en langue kurde. Le coup de force se poursuit. Après le procès d'Istanbul, de nombreux autres procès sont prévus, notamment le 20 février 2017 à Mugla (sud-ouest), où seront jugées 47 personnes pour en finir avec la menace des partisans de Fethullah Gülen. Le procureur de la République d'Ankara, Harun Kodalak, a donné le ton aux procès considérés comme étant les plus massifs de l'histoire récente de la Turquie. « Il y aura peut-être quelques procès qui s'ouvriront au cours du dernier mois de 2016, mais, ce que nous planifions, c'est une ouverture en série de procès au début de l'année 2017 », a-t-il affirmé en novembre dans les colonnes du journal libanais L'Orient Le Jour.