Photo : Fouad S. Le bâti n'est pas seulement cet appartement que nous occupons, c'est aussi un ensemble de murs, d'escaliers, de colonnes montantes et d'espaces communs. Toutes ces parties sont confrontées à l'usure du temps et de l'exploitation. Sans un entretien et une rénovation dans les délais impartis, c'est la dégradation menant, à terme, systématiquement à l'altération de toute la bâtisse et sa perdition. Cette déchéance peut se répercuter négativement sur la communauté. Elle peut ainsi avoir de conséquences néfastes sur les relations entre voisins. D'où l'importance de la maintenance immobilière et la rénovation urbaine. Cette réhabilitation de l'avis des experts «si elle ne contribue pas à des compléments de production d'habitat, permet néanmoins de réduire l'ampleur du déficit, en continuant à abriter de nombreux citoyens dans ces vieux immeubles qu'ils ont contribués à maintenir en état d'être habités». Ils soutiennent que la maintenance du parc immobilier (entretien, réparation, rénovation et réhabilitation) représente environ 30% de la valeur de la production de l'industrie de la construction dans les pays industrialisés. Mais dans notre pays, elle ne constitue qu'une activité marginale à laquelle les pouvoirs publics tardent à fournir les moyens financiers. Ces derniers ne sont composés que d'une infime contribution du locataire à travers la taxe d'habitation comprise dans la quittance d'électricité et de gaz et les charges comptabilisées dans le prix du loyer. «Cette taxe est dérisoire car elle constitue 300 DA par an pour le loyer et 1200 DA par an pour l'électricité», selon un cadre du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme. Ces sommes sont versées dans un compte spécial de la wilaya. «Une commission se réunit sous la présidence du wali pour déterminer les priorités, selon l'argent récolté», précise-t- il, car le non paiement du loyer reste un grand handicap pour le renflouement de la caisse destinée aux réparations. A voir l'état dans lequel se retrouve les immeubles, on comprend l'importance de ces actions pour la préservation du patrimoine immobilier algérien qui souffre précisément de ce défaut de prise en charge permanente en matière d'entretien par les plus concernés : les occupants, qu'ils soient propriétaires ou seulement locataires. Mais également pour la sécurité des personnes notamment sur le plan santé. D'ailleurs, les cas de maladies à transmission hydrique sont légions dans les cités. Le parc immobilier national compte 7 millions d'unités dont deux millions datent d'avant l'indépendance, selon le dernier recensement général de la population et d'habitation (RGPH). L'Office de Promotion et de Gestion Immobilière (OPGI) gère quelque 800 000 unités en co-propriété ou en location. Pour ce qui est du patrimoine immobilier privé qui accumule un retard encore plus grand en matière d'entretien, il est lui aussi confronté à un état de dégradation avancé. Celui-ci, s'explique en grande partie par la réglementation des loyers qui ne prévoit pas de révision à la hausse, même bien lorsque leurs propriétaires effectueraient de coûteux travaux de rénovation. «Le loyer des habitations est administré et même ce prix infime est hypothéqué par le taux de recouvrement. Celui-ci ne dépasse pas les 40 %. La marge qui revient à l'entretien est dérisoire», explique Mekhlouf Nait Saâda, directeur central au Ministère de l'Habitat et de l'urbanisme. QUAND L'ARGENT MANQUE La gestion de l'immobilier est diversifiée donc complexe et se base sur deux segments : celle liée à la gestion courante (produits d'entretien, minuterie, chauffage, hall et prime d'assurance) et celle des grosses réparations concernant l'étanchéité, l'ascenseur, les colonnes montantes, la façade, le vide sanitaire et les escaliers. Toutefois, comme le souligne M. Nait Saâda, des contraintes subsistent et empêchent de réaliser ces missions. Il s'agit en premier lieu du niveau des loyers. Il est arrêté pour le parc de logement social locatif de façon administrative sur la base de considérations sociales. Le produit de ces loyers couvre à peine les charges de fonctionnement des offices locataires et ne peut donc assurer convenablement l'entretien et la préservation des biens. «A titre illustratif, le loyer d'un logement de 60 m2 est fixé à environ 900 DA le mois. Or, le loyer économique moyen est de 4200 DA par mois. La différence entre ces montants est de 3300 DA soit 39 600 DA par an. Un manque à gagner qui se répercute sur les opérations d'entretien et de réhabilitation du bâti», explique M. Nait Saâda. En plus de la faiblesse du niveau des loyers, les organismes de location enregistrent un cumul de créances locatives impayé très important. Un phénomène qui grève lourdement. Cette situation génère deux conséquences : La mobilisation de ressources pour faire face, de manière permanente aux réparations les plus urgentes et les exigences des locataires pour l'amélioration environnementale. L'EXPERIENCE AADL : UN EXEMPLE Avec l'avènement du dispositif AADL, une nouvelle mission est conférée à l'Organisme de location. Une décision de taille lorsqu'on sait que jusqu'à fin 2009, 55 000 logements seront en gestion soit 1568 immeubles équipés de 1156 ascenseurs et 80 bâches à eau. La mission définie par le décret No 08-142 du 11 Mai 2008 relatif au logement locatif, est assurée par la Direction centrale et des structures déconcentrées au niveau des régions, des wilayas et des sites. Au niveau de ces cités, une prise en charge de l'entretien des immeubles est remarquée. Néanmoins, l'état des immeubles reste intimement lié à l'aspect comportemental des locataires. «C'est toute une culture à créer. Il est inadmissible d'assister à l'arrachage des rampes, des lampes ou des moindres cadres en bois alors qu'à l'intérieur des appartements c'est de véritables palais scintillant de propreté», estime M. Nait Saâda. La gestion et l'entretien des immeubles sont définis par les textes de lois régissant le logement. Un premier décret 83 -256 du 9 avril 1983 a désigné le taux de la taxe d'habitation à 30% dont 10 % pour l'assainissement et 20 % pour l'entretien courant. Ce décret a été abrogé par un second (97 -507) du 29 décembre 1997 qui propose le calcul des charges au prix réel. Un autre décret (08-142) du 11 mai 2008, détermine l'intervention de l'Etat et la responsabilité des propriétaires pour éviter la dégradation et l'altération de l'habitation. L'entretien des immeubles est donc une obligation faite à l'Organisme de location. Mais, faute d'argent initialement puisé dans les loyers que 60% des locataires n'honorent pas, alors que le taux d'occupation reste très élevé, celui-ci n'est pas toujours réalisé. Face à cet état de fait, l'Etat s'est plutôt engagé dans la construction qu'à l'entretien et la rénovation vu le coût élevé de ces opérations. Toutefois, la situation peut s'améliorer si le locataire s'engage à payer la réhabilitation à son prix réel.