La thèse de la « conspiration » est privilégiée par Damas. La Syrie est happée à son tour par la déferlante contestatrice qui s'est abattue sur le monde arabe. Elle est depuis la mi-mars le théâtre d'un mouvement de protestation dont l'épicentre est la ville de Deraa (sud), à la lisière avec la Jordanie. Il semble s'étendre aux autres régions du pays. Dans le 4e vendredi des manifestations sanglantes, la grogne s'est installée à la périphérie de la capitale (Tal, Douma) pour se répandre, en traînée de poudre, à l'Ouest (Banias) et dans les localités du Nord à majorité kurde. En dépit des réformes politiques (levée de l'état d'urgence prévue en mai, libéralisation et ouverture médiatique) et sociales annoncées par le régime de Bachar El Assad, décidant également de la naturalisation de 250.000 Kurdes (2 millions, soit 10% de la population) pour mettre fin à un contentieux vieux de 50 ans, le cycle de la violence continue de s'élargir. C'est ainsi que, après le « vendredi de la colère » et le « vendredi de la dignité », les manifestants du « vendredi des martyrs » ont écumé les rues pour crier les espoirs et les attentes déçus. L'engrenage protestation-répression est enclenché dans un enchaînement de violence inouïe. La guerre des bilans fait rage. Les récents troubles de Deraa, de Homs, de Harasta et Douma, deux villes proches de Damas, ont fait, selon le président d'une organisation des droits de l'homme, Ammar Qourabi, près de 37 morts dans les rangs des manifestants. Cette version est contestée par les autorités politiques qui ont dressé le bilan de 19 policiers victimes de tirs de « groupes armés ». La thèse de la « conspiration » est privilégiée par Damas. Dans un communiqué, le ministère de l'Intérieur affirme que « ceux-ci se sont infiltrés dans les rangs des manifestants et ont tiré sans discrimination afin de semer la discorde entre les citoyens et les forces de sécurité. Ils ont incendié les institutions publiques, attaqué les militaires et les agents de sécurité qui se sont abstenus d'ouvrir le feu, ce qui a causé un grand nombre de morts et de blessés parmi eux ». Mais, la thèse du complot est réfutée par les organisations humanitaires. « Ceux qui connaissent la Syrie savent qu'il n'y a pas de bandes armées ni un chaos sécuritaire. Le pays est tenu depuis 50 ans par un seul parti, gouverné par l'état d'urgence et possède 17 services de sécurité bénéficiant de tous les moyens financiers, logistiques et humains », a souligné M. Qourabi. « Comment peut-il y avoir des groupes armés qui tuent 19 policiers en quelques heures alors que la ville est assiégée depuis un mois ? », s'interroge-t-il. Face à cette situation où les protagonistes se renvoient la responsabilité de la dégradation de la situation sécuritaire, Washington a condamné les « violences » commises par le gouvernement syrien et « tout usage de la violence» par les manifestants. « J'appelle les autorités syriennes à ne pas commettre davantage de violence contre des manifestants pacifiques. En outre, les arrestations arbitraires, les emprisonnements et la torture de prisonniers dont il a été fait état doivent cesser tout de suite, et la circulation sans entrave des informations doit être autorisée pour que les événements sur le terrain puissent être vérifiés», a déclaré Obama. Le scénario syrien en marche ?