Deux grandes conceptions s'affrontent sur la scène politique.Il y a ceux qui considèrent que l'Algérie, malgré les manques et les imperfections, a retrouvé progressivement la paix sur le plan social et institutionnel. On retrouve dans cette catégorie les partis de l'Alliance, le PT et de nombreuses organisations sociales. D'autres partis et personnalités estiment qu'il faut rebâtir tout à nouveau. Les multiples réalisations de cette dernière décennie seraient une parenthèse à refermer au plus vite. Le débat sur la Constituante avait révélé, avec éclats, cette fracture politique. On s'appuie trop souvent sur un prétendu rejet du régime à l'appui d'une telle analyse. Comment expliquer alors le peu d'engouement des appels aux marches où les mots d'ordre politiques pour un changement radical sont clairement affichés ? Il paraît incongru de vouloir faire table rase des efforts entrepris pour réhabiliter l'action politique dans notre pays. Longtemps, le seul mot d'ordre était le combat contre le terrorisme et le succès de la réconciliation nationale. Le prix payé par les Algériens a été élevé mais les sacrifices ne furent pas vains. Le débat politique peut se nourrir d'autres préoccupations et entrevoir d'autres horizons. L'Algérie n'a pas vécu les révoltes qui ont mis à bas des régimes pour s'engager dans une période de transition. La Constitution est en vigueur, les assemblées locales ou nationales sont pluralistes. L'opposition est dans son rôle quand elle dénonce ou revendique un meilleur fonctionnement de celles-ci. C'est une marque de la démocratie qui refuse néanmoins que la rue soit l'espace de règlement des conflits. L'Algérie n'est pas dans le cas de l'Afrique du Sud ou de ces Etats où les institutions étatiques se sont effondrées et un vide s'est aussitôt installé. Un projet de réformes peut être mené par les autorités en place. Le roi du Maroc et le nouveau pouvoir égyptien ont tracé un programme. La démarche de Bouteflika est d'autant plus crédible que personne dans la classe politique n'est exclu. Les consultations qui seront bientôt entamées ont seulement tracé une ligne rouge. Seuls les tenants de la violence sont écartés du processus politique. Les pouvoirs publics ont montré leur disponibilité à écouter des personnalités de l'opposition. La décision de confier la révision de la Constitution à la prochaine assemblée nationale est, par ailleurs, un indice de la volonté de confier cette tâche historique à un Parlement issu de la volonté populaire. La révision, au préalable, des lois sur les partis et celle du code électoral vise à crédibiliser l'élection du Parlement et l'intégration, en son sein, de tous les grands courants politiques. L'Algérie a vécu une terrible décennie qui a marqué toute une génération. La reprise du processus démocratique freiné en 1991 en raison des circonstances est un fil difficile à renouer. Il vaut mieux une période où les libertés soient «encadrées» qu'une aventure hasardeuse qui menacerait à nouveau les fondements de la société et de l'Etat. L'histoire impose à chaque pays une démarche, un processus. C'est visiblement ce qui anime la conception des réformes politiques dont l'efficacité est conditionnée par les élections et non par une quelconque action nihiliste.