Depuis son élection en 1999, Abdelaziz Bouteflika a imposé son style politique. Habitué à des dirigeants qui avaient fait du silence une méthode de gouvernement, le pays s'est peu à peu accoutumé aux harangues théâtrales, aux incriminations publiques des ministres du gouvernement ainsi qu'aux innombrables associations de soutien au programme présidentiel qui réclament, à chaque apparition télévisée, un nouveau mandat. Si certains reprochent au président Bouteflika d'avoir « verrouillé » l'Algérie et muselé la voix de ceux qui auraient pu jouer les contre-pouvoirs, d'autres favorables au Président considèrent que son arrivée à la tête de l'Etat est une « bénédiction » pour le pays. L'Algérie s'est-elle mise à l'heure tunisienne ? Le secrétaire national à la communication du RCD, M. Khendek, estime que le président Bouteflika a raté une belle occasion de faire de l'Algérie un pays démocratique. « Jamais un chef d'Etat n'a eu autant d'atouts que le président Bouteflika. Il y avait le retrait des terroristes de l'AIS, un record inédit des prix du baril du pétrole, un consensus politique autour de sa personne et l'attentat du 11 septembre qui a changé le regard du monde sur le terrorisme islamiste, mais il n'a pas voulu profiter de ces avantages pour créer plus de développement, plus de démocratie et plus d'équité sociale », nous dit M. Khendek. Il enchaîne : « Aujourd'hui, le tribalisme a gagné des proportions alarmantes, la corruption a atteint tous les niveaux de l'Etat, il y a une opacité flagrante dans la gestion de la manne financière. » Le deuxième mandat du président Bouteflika a été marqué par un front social en ébullition. Des politiques « aux ordres de l'Exécutif » Les syndicats autonomes, qui en sont à l'origine, ont vu, à de nombreuses reprises, leur mouvement arrêté par la justice. M. Khendek commente : « Il y a une démobilisation des forces vives du pays, un recul net des libertés individuelles et collectives ainsi que les atteintes à l'activité syndicale et le droit d'informer. » Et de trancher : « Le RCD continuera son combat pour nettoyer l'Algérie de ses prédateurs. » Une partie de la société civile et certains politiques regrettent notamment le fait que la quasi-totalité de la scène politique algérienne soit « aux ordres de l'Exécutif ». Les partis de l'alliance présidentielle contestent cette « vision des choses ». Le Front de libération nationale (FLN), parti au sein duquel Abdelaziz Bouteflika a été élu président d'honneur, considère que de « grands progrès » ont été réalisés durant cette décennie. Saïd Bouhadja, responsable de la communication de l'ex-parti unique, souligne que « ces dernières années ont été marquées par des réalisations considérables dans tous les domaines. L'Algérie était encerclée de toutes parts. Notre pays souffrait du mal terroriste mais dès son premier mandat, le président Bouteflika a bâti les ponts de la confiance. Il a entamé des réformes radicales dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la justice… La réalisation de la Réconciliation nationale, l'augmentation des salaires, l'amélioration du pouvoir d'achat, l'emploi des jeunes sont autant de facteurs qui réconfortent le FLN ». Sur la multiplication des mouvements sociaux et le phénomène des harraga, il estime que les nouvelles dispositions pour l'emploi des jeunes seraient en mesure d'effacer les « phénomènes étranges » apparus dans notre pays. Il plaide pour la « continuité » de cette politique de Bouteflika. Sur un ton plus mesuré, M. Djoudi, porte-parole du Parti des travailleurs (PT), a salué les importantes décisions du président algérien, notamment la révision de la loi sur les hydrocarbures, le refus d'installer les bases militaires américaines d'Africom, l'augmentation de salaires — relative — malgré les recommandations de « prudence » du Fonds monétaire international (FMI). Notre interlocuteur estime néanmoins qu'il reste encore une année de mandat pour prendre des « décisions encore plus importantes » et surtout « redonner l'espoir aux Algériens ».