Il y a donc un après-séisme qui a structuré une autre manière de gérer le bâti et d'approcher la construction, rendant irréversible une norme de construction qui était, somme toute, une norme minimale. Même si, du fait de la 14e édition du Batimatec, on est tenté de qualifier la tranche de jours écoulés sous les vocables de la semaine du bâtiment, tout un chacun sait qu'en Algérie un secteur aussi important se décline en termes d'années, et c'est d'ailleurs depuis plus d'une décennie qu'il est question de bâtiment et de construction, tant il était - et il est toujours - question de rattraper le temps perdu en matière de développement social et économique. Un développement où le bâtiment occupe une place structurante, au point de devenir un enjeu de cohésion sociale et de croissance. Au sortir d'une crise, dont la prééminence avait tout relégué au second plan, l'Algérie avait besoin de bâtir très vite pour répondre à des impératifs strictement quantitatifs et de volume. Face à une détresse humaine et à un déficit en structures sociales et économiques, le ton était donné à l'urgence qui mettait les autres exigences à un niveau qui les faisait forcément classer parmi les choses qu'on pouvait sacrifier sur l'autel de la nécessité. Le bâtiment structurait la crise par les manques qu'il affichait un peu partout dans tous les domaines de l'activité humaine, surtout en matière de logement où au déficit traditionnel s'ajoutait celui des impondérables et des effets pervers induits par les crises ainsi générées. Peut-on faire l'économie des effets induits par la crise des années 90 sur le bâti d'une manière générale, et sur le logement en particulier, sachant que cette crise et les vagues d'exode massif qu'elle a suscitées ont redessiné, d'une certaine façon, la cartographie de l'aménagement du territoire ? Au moment où se réglait une problématique, une autre risquait de voir le jour, car entre les deux situations, la première était prioritaire et urgente, et l'autre relevant simplement d'une gestion prospective qui pouvait être perçue comme un luxe dans un contexte de tension critique. Comment construire devant l'urgence de le faire était soit une question à trancher très rapidement, soit une question à gérer chemin faisant, mais ce n'était à aucun moment une question qui pouvait entraver le processus de construction en attendant sa prise en charge. LE SEISME DE 2003, UN FAIT DETERMINANT Les catastrophes amènent souvent de grands deuils aux nations, même si la vie veut aussi qu'elles portent, à travers les épreuves qu'elles font subir aux hommes, des expériences constructives et édifiantes. Ce fut le cas du séisme du 21 mai 2003, qui avait mis à nu des carences et des lacunes importantes dans la prise en charge du bâti et dans la supervision des normes de construction, dont l'une des plus primordiales était celle regardant la conception antisismique du bâti dans un pays exposé à des événements sismiques majeurs. Il y a donc un après-séisme qui a structuré une autre manière de gérer le bâti et d'approcher la construction, rendant irréversible une norme de construction qui était, somme toute, une norme minimale. Cet acquis devait par la force des choses mener les débats vers d'autres considérations, l'ouverture économique aidant, où le savoir-faire et le vouloir bien faire tiennent une place privilégiée. C'est alors que d'autres considérations sont entrées en ligne de compte, mettant au centre du discours sur le bâti, des enjeux de qualité et de mise aux normes, dont la critériologie brassait autant dans les aspects techniques et architecturaux, que dans des questions de cadre de vie et de bien-être social. LA QUALITE PAR-DESSUS TOUT Ce glissement historique de la logique de l'urgence vers celle de l'exigence était inévitable, les acquis étant des leviers culturels qui mettent les hommes devant ce qu'ils ont pu capitaliser, leur révélant brusquement ce à quoi ils aspirent. Aujourd'hui, le débat sur la qualité du bâti, avec ses multiples facettes, est d'une brûlante actualité, qui concerne tous les acteurs du secteur, toutes branches confondues, et tous s'accordent désormais à approcher le sujet dans une optique de promotion de la qualité dans toute sa complexité. Car il ne s'agit plus seulement de construire correctement au sens technique, en respectant les normes liées au choix des matériaux de construction et des techniques de construction, ou encore de bâtir au sens de la finition rigoureuse qui permet de distinguer le bon artisan du bricoleur. L'exigence de la qualité du bâti recouvre aujourd'hui des dimensions qui ne sont plus ignorées (au sens de mises de côté) par les acteurs algériens du secteur, qui devraient faire du bâti en Algérie, pour peu qu'on sorte du terrain de la théorisation vers celui de l'application généralisée et systématique, un bâti universel. Ces paramètres sont d'ordre énergétique, urbanistique, environnemental, culturel et humain. Ils posent le bâti comme la base primordiale d'un meilleur cadre de vie et donc aussi d'une meilleure qualité de vie. Un bâti qui procède donc de la réunion de toutes ces qualités, dont la norme antisismique a été la norme d'appel, car elle était indiscutable du fait de son coût social, humain et économique. Le débat est très fertile qui tourne désormais autour d'enjeux d'optimisation. Ce seul mot recouvre d'ailleurs plusieurs dimensions, notamment celle du coût qu'implique un choix judicieux des matériaux et des techniques de construction, celle de l'économie d'énergie dans un bâti désormais pensé sous cet angle déterminant pour l'avenir, celle des espaces verts, longtemps les parents pauvres d'une urbanisation débridée et celle de l'ancrage architectural et culturel du bâti conçu alors à travers sa dimension humaine et dans sa portée historique, locale et nationale. En alignant les paramètres qui définissent le bâti tel que les normes en déterminent les contours de perfection, du moins en l'état actuel des exigences humaines, des principes ressortent dont l'observance serait à la base de la critériologie la plus rigoureuse. Il s'agit d'abord de sûreté, de sécurité, de salubrité, de vivabilité et de viabilité, de proximité et de convivialité, d'identité patrimoniale et de différenciation locale, d'harmonie environnementale et écologique. Réussir à concilier tout cela, c'est concevoir le bâti selon les normes d'aujourd'hui. L'avenir de la cité d'aujourd'hui est à ce seul prix.