C'est avec Sadek Benamar que prend corps, le récit et la résurrection de liens entre un homme et une jeune fille, après une période de séparation et d'événements qui ont marqué la société algérienne. L'auteur chevauche plusieurs époques de l'Algérie indépendante jusqu'à nos jours, en passant par la plus terrible des décennies, celle qui a engendré la peur, la mort et les souffrances au sein de la population. Et c'est cette période si cruelle, c'est-elle qui va marquer la fin du roman avec un parfum de bonheur. Professeur et historien Sadek Benamar mène une existence presque monacale, cultivant son veuvage et une passion envers «la littérature aljamiada, ces textes clandestins que les musulmans rédigeaient après… la chute de Grenade». Universitaire et chercheur, il aspire à plus de réponse dans sa quête sur les destins éparpillés des Andalous après la reconquête chrétienne et ceux arrivés au Maghreb, plus particulièrement en Algérie. Pour la petite histoire, les musulmans d'Espagne, ceux ayant opté de rester dans la péninsule ibérique, leur terre natale, entre le XIe et le XVe siècle, furent appelés «mudéjars».Une appellation, marquant leur identité dans cette Espagne gouvernée d'une main de fer par Isabelle de Castille et issue du fait qu'il écrivaient le castillan avec les caractères arabes. De là, naît la poésie aljamiada où la poésie étrangère. En restituant le présent et les souvenirs d'un couple, Adriana Lassel reconstruit succinctement des cycles de temps ayant marqués le passé algérien et ceux imprégnant la réalité actuelle. Pour cela et pour les besoins de l'histoire romanesque, elle pose les jalons un par un, rétablissant des périodes clés en faisant référence à des lieux où se greffe un passé historique et un présent non moins porteur du passé. Hayet sera l'être qui aura connu la guerre dans l'Ouarsenis, le déplacement vers Tamezguida dans les monts de Médéa, la période faste de l'après indépendance, l'arrivée des instituteurs Egyptiens pour le besoin de l'arabisation de l'école algérienne, son mariage avec Gamil l'enfant du Caire, la naissance de leur fils Bachir… et les moments les plus importants de son existence que sera sa rencontre avec Sadek. Liens puissants qui l'attachent et qui renaissent de leurs cendres. La condition féminine devient omniprésente dans le roman. Car il s'agit également du devenir de la femme en Algérie dans la société, principalement dans les profondeurs du pays. Ces campagnes fermées, clôturées par les us et coutumes que l'on ne peut penser dépasser, sans «outrager» l'ordre coutumier faisant loi. Les chemins du destin de Hayet sont pluriels, la voie imposée par le sort qu'elle ne peut prendre à contre courant. C'est ainsi qu'après avoir connu un amour jeune et lumineux, elle suivra le cours des obstacles, ennuis et échecs de son existence. Mais sans qu'elle ne le sache, tout tourne autour de sa force intérieure, de sa confiance enfouie, malgré le diktat des tabous, l'ordre établi par les interdits, la violence des hommes au nom de quelque idéologie, de la religion et du conservatisme. En toile de fonds et parallèlement, apparaît également le destin des Andalous, traduit par une quête incessante de Sadek d'un passé morisque, de l'Espagne musulmane. La fébrilité intellectuelle et le désir de ressusciter la trace de Dahmane El Andaloussi, issu de cette Andalousie déchue après des siècles de faste et de raffinement. «Tous les chemins mènent à Médine», dit un vieux proverbe arabe. Tous les chemins du désespoir ont guidé les pas de Hayet à retrouver un amour rêvé, il y a 25 ans. Le roman à l'écriture franche, mesurée, au style narratif se lit aisément et sans interruption. Une passion pour l'Histoire, une passion d'amour et la notion du temps qui passe n'a plus lieu d'être. Au-delà du titre du roman de Adriana Lassel portant une forte empreinte poétique de façon à capter l'attention, la couverture et la 4e de couverture sont également réalisées pour attirer le regard du lecteur potentiel. Une narration se prolongeant sur 134 pages et six chapitres, relatant l'histoire d'amour de vieux amants, Sadek et Hayet. Ne dit-on pas que les prénoms des personnes, pour certaines, sont la clé de leur destin ? Il en est ainsi pour l'héroïne du roman dont le patronyme veut dire «la vie». * «Un parfum de vie», Adriana Lassel, «Thala éditions»