Tlemcen. Porteuse à la fois d'un savoir-faire et d'un projet social, la production marchande, avec le caractère multidimensionnel qui la distingue, est en rapport, d'une part, avec la place qu'elle occupait dans la cité tlemcénienne et, d'autre part, avec le monde méditerranéen à travers les relations entretenues dans le temps en tant qu'ancienne métropole de la région. A propos de la place de l'artisanat dans ladite cité, Yahia Ibn-Khaldoun avait recensé ainsi pas moins de 4.000 métiers à tisser, durant les temps forts de la période zianide. En revanche, au milieu du XIVe siècle, André Cochet donne le chiffre de 500. Enfin, Alfred Bel, par suite d'un recensement effectué vers 1911, dénombre 44 ateliers. Aujourd'hui, on en compte beaucoup moins. Il faut dire que le commerce était loin de constituer une activité autarcique et le caractère international des échanges avec d'autres métropoles était fortement attesté. En effet, la ville de Tlemcen comptait dans ses murs, au début du XIVe siècle, environ 2.000 marchands qui étaient venus de diverses régions d'Europe. Construite sous les Zianides, cette Kissaria était délimitée par une enceinte crénelée et comprenait deux portes sur une superficie d'environ 5 hectares. Elle fut détruite, à la fin du XIXè siècle, par l'Administration française d'occupation qui n'avait épargné qu'un seul axe principal, la rue piétonnière, où règne jusqu'à présent une activité commerciale très intense. Dans cette configuration cosmopolite, l'espace économique ambiant reste diffus et fait corps avec le tissu urbain qui circonscrit la place centrale commerçante. La petite production marchande y est enracinée et constitue le lot quotidien, où d'ailleurs, se reconnaît le citadin moyen. Le cadre communautaire servant de support à cette intégration de l'activité économique, du cadre résidentiel et de la vie culturelle, serait ainsi le quartier, appelé “El Houma”, en arabe. Cela étant, si la Médina est un espace social, l'unité matricielle d'un tel espace est le quartier, car il est le lieu privilégié où s'opère la trilogie que constituent l'acte de vie (derb ou ruelle), l'acte de production ou d'échange (corporation) et l'acte de prière (zaouïa ou confrérie). Dans cet habitacle intime, chacune de ces prestations reçoit sa qualification à travers le prisme des autres, car chacune d'elles, constitue un registre partiel de l'unité sociale indivisible dont le quartier sert de substrat. UN PASSE FLORISSANT De cette fresque d'un passé révolu, il ne reste plus, de toute évidence, que quelques survivances professionnelles, car la désaffection de l'époque contemporaine ne ressortit pas à la seule sociologie urbaine. Les Tlemcéniens, qui étaient 12.000 lors de l'occupation française, rentiers de la terre, négociants, artisans du métal, du cuir, de la laine (avec 500 métiers en 1842), n'étaient encore que 55.700, dont 43.300 Algériens, en 1954. Aujourd'hui, Tlemcen doit mettre en place une stratégie pour garder son legs d'antan, à savoir l'artisanat… Riche de son passé, Tlemcen possède dans son avoir un artisanat antique, témoin d'un passé culturel légendaire. La preuve, la maroquinerie et la robe traditionnelle sont connues dans tout le pays. L'artisanat caractérise la ville depuis des siècles, ce qui lui confère l'appellation de «La perle du Maghreb». Cet art est considéré comme une planche de salut, un messie dans la sauvegarde des économies des pays riches en dépérissement. En investissant dans l'artisanat, l'on arrivera à sauver l'économie nationale de son marasme et lui donner une vigoureuse jeunesse. Avec de simples outils, l'on peut former l'homme au réflexe, à la réflexion, à l'habileté, à inventer, créer, innover… Pour protéger et relancer l'artisanat à Tlemcen, notamment les poteries, tapisserie qui risquent de disparaître, il est indispensable de prendre la situation au sérieux. Car à Tlemcen, parler de l'artisanat, c'est parler du bon vieux temps, parler des mains magiques, parler de femmes artistes, créatives, innovantes. Le tapis était commercialisé en Europe, les hassirate dans les souks, la poterie partout en Algérie au point où cet «art» était le principal revenu des familles. Donc pour encourager la relance de cette activité artisanale, notamment la relance du tapis, la natte, la djelaba, le burnous, etc., le secteur de la formation professionnelle et dans le cadre d'encourager cette femme rurale, a lancé depuis 2008 son programme visant à doter «les rurales» par des kits de métiers à tisser, afin d'offrir aux femmes une occasion de se prendre en charge, afin qu'elle prenne conscience de ses propres valeurs. Et ainsi veiller par là même à ce que cette gardienne du temple en assure la transmission à la génération suivante. Ces équipements ont été une aubaine pour cette communauté féminine de plusieurs communes de la wilaya de Tlemcen de faire revivre un artisanat en déclin avec la réalisation de tapis, sellerie, etc. Cette action vise, rappelle-t-on, à changer au mieux la situation du milieu rural.