Le monde de l'étrange. On ne peut mieux expliquer les nouvelles de Mustapha Bouchareb «La troisième moitié de soi» qu'à travers ce terme. Des situations impossibles d'amour, de haine, d'amitié, de fantastique jusqu' à la limite de l'angoisse pour beaucoup de textes de l'insupportable. On suit l'écrivain non pas à la trace, mais mot à mot, de virgule en virgule. On l'entend respirer, penser, donner vie à ses personnages, à des situations qui sortent de l'ordinaire, confinées pour la totalité dans une atmosphère presque irréaliste. Néanmoins, toutes les nouvelles sont puisées de la réalité algérienne. Une réalité d'où se dégage un pessimisme maîtrisé par la plume. Tout est sassé au cours des 23 récits. Courts, concis, originaux avec une forte dose de fantastique et de pessimisme et de maîtrise de l'étrangeté. Tous les registres des situations sont évoqués, la femme, l'amour à travers toutes ses facettes, le tragique des existences jusqu'à l'extraordinaire, les évènements tout autant poignants. La brièveté des textes augmente cette sensation de vivre en direct les faits imaginés par l'écrivain, pour beaucoup d'entre eux laissant après lecture un sentiment de mal-être. Le mal-être que nous ressentons est également celui de tous ces êtres qui ont le temps de l'écriture accompagné Mustapha Bouchareb. Une écriture qui sort des sentiers battus, aérée, un style soutenu et narratif et un registre divers dans les thèmes traités. Une mosaïque d'histoires, une flopée de personnages, des noms de lieux et de villes pour lesquels Mustapha Bouchareb a interverti les lettres ajoutant à l'étrangeté «Nuit pourpre» où un groupe de toxicomanes donnent la mort gratuitement à un pompiste. Ils ne sont pas poursuivis par la police, il y a plus urgent à faire. Des bombes ont explosé dans la ville et les morts ce sont par dizaines. «Séisme en mai» c'est le miracle, la résurrection et Dieu à l'écoute d'une mère. «Le dinosaure», ce mythique stégosaurus témoin du retour de l'universitaire et des années estudiantines et de folle jeunesse. «La troisième moitié de soi», le récit qui a cédé son titre au recueil de nouvelles de M. Bouchareb. La rencontre de deux êtres qui se sont aimés peut-être un peu beaucoup. Lui est marié, elle également. Un regain d'amour s'établit en silence entre Farid et Dalila, sa sœur d'amour de cœur. Dalila se retire dans un coin de sa vie à elle, se détournant toujours en silence de son mari. Ce dernier lui ôte la vie avec un fusil de chasse «lui reprochant des choses imaginaires…». Au lecteur de découvrir la suite des textes du recueil.