La ruée vers le trésor libyen a commencé. Peu avant l'ouverture de la conférence des «amis de la Libye», se substituant, au pied levé, au fameux groupe de contact, la levée des restrictions décrétées contre le régime déchu de Kadhafi annonce expressément la couleur. Le pétrôle et l'argent du pétrôle sont bel et bien le carburant d'une expédition à fort alibi humanitaire et démocratique. La levée des restrictions sur les 6 ports, 4 compagnies et une douzaine d'autres entités (sur la cinquantaine d'entreprises touchées par les sanctions), visés par «le premier accord technique» des 27 de l'Union européenne, tapisse la voie du partage des richesses d'un pays en ruine. La cinquantaine de milliards de dollars libyens (admirez la précision) gelés font tout aussi bien l'objet d'une attention particulière de la coalition. Bien après l'aval du Conseil de sécurité, autorisant le déblocage de 1,5 milliard de dollars d'avoirs libyens gelés dans les banques américaines, le forcing français et britannique fait main basse sur les avoirs déposés dans les banques internationales (7, 6 milliards d'euros dans les banques françaises, selon l'Elysée), sous le sceau de l'aide d'urgence. Si la France espère «d'ici la fin de semaine» l'autorisation du Conseil de sécurité de débloquer 1,5 milliard d'euros, le comité des sanctions a déjà approuvé la demande de Londres de disposer de 1,6 milliard de dollars. A Paris, la conférence des «amis de la Libye» se prépare à la transition de toutes les attentes. Quelque soixante participants, dont la Russie, la Chine et l'Allemagne, présentant le front du refus, et tout naturellement des pays maghrébins (Algérie, Mauritanie), sont attendus pour définir les contours de la nouvelle Libye que l'on veut démocratique et libre. Le syndrome irakien pèse sur l'après-Kadhafi essentiellement caractérisé par le défis de la transition. «Sur le plan militaire, la partie est jouée, souligne l'Elysée. Mais si on attend, on risque de faire échouer la transition, après les divisions qui ont marqué la phase militaire, il s'agit de rassembler la communauté internationale derrière les nouvelles autorités pour les aider à réussir la transition démocratique et la construction d'une Libye nouvelle». Le secrétaire général de l'ONU, procédant à l'envoi du personnel sur le terrain, avait affirmé que «notre plus important travail consiste à assurer que les efforts multilatéraux, régionaux et bilatéraux soient complémentaires et correspondent à la volonté des Libyens». L'équation libyenne à plusieurs inconnues, déterminée par le vide institutionnel et le poids de la mouvance islamiste dans sa représentation radicale, pose avec acuité la question du devenir libyen et de la stabilité régionale. Et surtout au Sahel soumis aux aléas du mouvement illicite d'armes en provenance de Libye et du retour des Touareg intégrés dans l'armée régulière libyenne.