Le monde aura demain les yeux fixés sur l'assemblée générale des Nations unies. Mahmoud Abbas remettra à 12h30 (GMT) à Ban Ki-moon, qui s'efforce de faire avancer le processus de paix israélo-palestinien qui est dans une impasse pour parvenir à un accord négocié, la demande d'adhésion d'un Etat palestinien sur la frontière du 4 juin 1967, dite «ligne verte», aux Nations unies comme 194e membre. Selon Nabil Chaâth, un cadre dirigeant de l'Autorité palestinienne, Abbas veut obtenir un vote du Conseil de sécurité avant d'envisager «d'autres options». Le successeur de Yasser Arafat ira-t-il jusqu'au bout ? Mahmoud Abbas, qui sait que Barack Obama mettra à exécution ses menaces, dont celles d'un veto pour bloquer la requête palestinienne au Conseil de sécurité, multiplie ses rencontres à New York, en marge de l'Assemblée générale. Après le président français Nicolas Sarkozy et le chef de la diplomatie britannique William Hague, qui ont peur pour l'unité de façade de l'Union européenne, il a rencontré hier soir Obama, auteur il y a deux ans au Caire d'un discours qui a suscité un énorme espoir dans le monde arabe avec son souhait d'un etat palestinien avant septembre 2011. «C'est pour lui faire comprendre que la décision palestinienne qui n'est pas contre les résolutions internationales, le dialogue et la paix, a pour deux objectifs. Un, parvenir à la paix au Proche Orient, deux, consolider la paix sur la base de deux Etats indépendants fondés sur les frontières de 1967», explique Saëb Arekat, membre du comité exécutif de l'Organisation de la libération de la Palestine (OLP) souhaitant voir le président américain revoir sa position et à se mettre du côté de la majorité. Tant au Conseil de sécurité où les 14 autres membres soutiennent cette demande, qu'à l'Assemblée générale où 129 des 193 pays membres s'apprêtent à voter «oui». En vain. Abbas, qui évoque d'autres pistes, poussera-t-il Obama à la faute en brandissant un «niet» aux conséquences inimaginables pour l'image des Etats-Unis dans le monde arabe et musulman ? Pas sûr. Selon plusieurs analystes, un scénario se dessine : la reconduction de la solution hybride type Vatican. C'est à dire être un «Etat associé» aux Nations unies sans en être un membre. L'Autorité palestinienne, qui a, au moins, 129 voix, peut avoir ce statut dès qu'elle soumettra sa requête à l'AG. Quitte à isoler davantage Israël. Le quartette (Union européenne, Russie, Etats-Unis, ONU) publierait, dans ce cas, un communiqué donnant suffisamment de gages politiques aux Israéliens et aux Palestiniens pour qu'ils acceptent de reprendre les négociations de paix rapidement. «C'est le seul scénario qui peut empêcher le train de dérailler», résume Daniel Kurtzer, professeur à l'université de Princeton et ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël et en Egypte. Selon le règlement de l'ONU, le SG de l'ONU doit soumettre cette demande au Conseil de sécurité, et l'actuel président du Conseil, le Libanais Naouad Salam, formera juste après une commission chargée d'étudier la demande. Théoriquement, une réponse doit intervenir dans les 35 jours mais ce délai peut être repoussé. Loin des tractations des couloirs onusiens, les Palestiniens, fatigués des promesses sans lendemain depuis 1948 et des négociations sans fin depuis Oslo, manifestent en Cisjordanie. Certains se réjouissent déjà à l'idée de pouvoir contester devant la Cour pénale internationale les colonies juives implantées sur leur territoire et le blocus de la bande de Ghaza et de réaliser que leur conflit avec l'Etat hébreu sort peu à peu du cadre bilatéral où il est enlisé depuis Oslo pour s'imposer devant l'ONU. - Chronologie de la question palestinienne à l'ONU - 29 novembre 1947 : L'Assemblée générale de l'ONU adopte la résolution 181 sur le partage de la Palestine, et la création de deux Etats, l'un juif et l'autre arabe. - 14 mai 1948 : Proclamation de l'Etat d'Israël. Les armées arabes entrent en guerre contre le nouvel Etat. A la fin du conflit, début 1949, plus de 400 villages arabes ont été rasés. Exode de plus de 700.000 Palestiniens. - 11 décembre 1948 : Résolution de l'Assemblée générale sur le droit au retour des réfugiés - 11 mai 1949 : Israël devient membre de l'ONU. - 22 novembre 1967 : Le Conseil de sécurité adopte la résolution 242 appelant au retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés en juin 67. - 10 décembre 1969 : L'Assemblée générale évoque les droits inaliénables du peuple de Palestine. - 25 septembre 1971 : Le Conseil de sécurité condamne les actions conduites par Israël en vue de changer le statut d'El Qods. - 22 octobre 1973 : Résolution 338 du Conseil de sécurité qui réaffirme les principes de la résolution 242. Il appelle à des négociations visant à instaurer une paix juste et durable au Proche-Orient. - 13 novembre 1974 : Yasser Arafat apparaît à la tribune de l'ONU avec un rameau d'olivier et un pistolet. Le 22, l'Assemblée générale accorde un statut d'observateur à l'Organisation de libération de la Palestine - 1er mars 1980 : Résolution du Conseil de sécurité enjoignant Israël de démanteler les colonies existantes et de cesser (...) la construction et la planification d'implantations dans les territoires occupés en 1967, dont El Qods-Est. - 12 mars 2002 : Le Conseil de sécurité fait figurer pour la première fois dans une résolution (1397) la mention d'Etat palestinien. - 19 novembre 2003 : Le Conseil de sécurité avalise la «feuille de route» du quartette visant à aboutir à une solution en établissant deux Etats permanents. - 18 février 2011 : Les Etats-Unis mettent leur veto au Conseil de sécurité à un projet de résolution arabe condamnant la politique de colonisation. - 19 septembre 2011 : Le président palestinien Mahmoud Abbas confirme son intention de soumettre le 23 septembre une demande d'adhésion à l'ONU.