Ces articles usés et abîmés trouveront toujours preneur Le marché hebdomadaire de Boufarik est un véritable capharnaüm. Dans une atmosphère poussiéreuse, jeunes et vieux vendent ou achètent de tout : de la chaussure usée jusqu'au groupe électrogène. Entre les deux, un vaste souk fait de bric et de broc. Ici c'est le royaume des hommes. Pas une femme n'osera y mettre les pieds et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Avant d'arriver à cet espace, il faut traverser une longue rue marchande dont les trottoirs regorgent de vieux livres, de cassettes vidéo et CD, de roues de bicyclettes, de téléviseurs vieux d'une trentaine d'années, des plantes, de vieux vêtements et autres ustensiles de cuisine dans des lots de cuillères et fourchettes estampillées Air Algérie. Mais, la réalité du souk est là : tous ces articles usés et abîmés trouveront toujours preneur. Au milieu de la rue, une foule se forme en demi cercle autour d'un vieux à la barbe blanche. Le vieillard préconise un médicament pour l'insuffisance rénale. Il explique comment le remède agit sur les reins et les rend plus fonctionnels. «Avec ce produit, vous n'ingurgiterez plus des dizaines de médicaments chimiques qui dévorent votre estomac sans pour autant vous guérir», lance-t-il en exhibant des pastilles de couleur verte. Sur l'emballage transparent, aucune écriture ou notification sur le mode d'emploi. Mais, un indice indique que cet « antidote », est importé de Chine puisque toute la quantité est enveloppée dans un grand sachet sur lequel sont imprimés des idéogrammes. Le vieux propose un sachet de dix pastilles contre la somme de 200 DA. Pour faire marcher son commerce, il est discrètement soutenu par deux à trois personnes qui jouent le rôle de badauds intéressés par son produit. Et ça marche ! Des personnes, par curiosité ou par besoin, mordent à l'hameçon. UN DENTISTE PAS COMME LES AUTRES A quelques mètres de là, un autre présente de petites boîtes contenant une poudre pour le blanchiment des dents. Le monsieur joue également au dentiste. Il invite les passants souffrant d'une rage de dent à se la faire arracher avec une simple pince ...rouillée. A quelques mètres de la rentrée du souk, c'est la place des revendeurs de téléphones mobiles. «C'est mon gagne-pain, je ne me plains pas. Je me débrouille pour gagner ma journée. Mais je ne triche pas avec les gens comme le font certains qui revendent des téléphones bons à fonctionner juste au moment de la vente», se défend le jeune Yacine qui expose sur le siège de sa motocyclette une dizaine d'appareils dont le moins cher est proposé à plus de 5000 DA. A la porte d'entrée du souk, d'autres proposent des cigarettes. Ces jeunes ont généralement des registres du commerce pour pouvoir s'approvisionner auprès de la SNTA. Si certains revendeurs préfèrent prendre place dans la rue qui mène au souk, c'est non seulement pour éviter de payer le droit d'entrée au marché mais aussi pour fuir la poussière et des odeurs nauséabondes que dégagent des égouts éventrés et les eaux stagnantes. N'empêche, ici le moindre espace est occupé et la grand'foule trouve du mal à se frayer un chemin parsemé de commerçants. Dans le grand charivari que provoquent des revendeurs équipés de haut-parleurs et qui inlassablement crient pour attirer le client, un vieux vend des pommades. Fidèle à son poste depuis des années, il occupe la même place. «Vous avez un eczéma ? Vous soufrez de démangeaisons ? Vous avez des points de rougeurs ? Voici la pommade qui vous soulagera instantanément», lance-t-il en exhibant le tube à 50 DA. Qu'il vente, qu'il pleuve, le souk est toujours envahi. Ici viennent même les commerçants qui ont pignon sur rue à Boufarik pour s'y approvisionner. Autre particularité des lieux : les commerces proposant des produits chinois sont tenus par des vendeurs des wilayas de l'Est, comme El Eulma, Sétif, qui restent les maîtres incontestables de ce type de marchandises. Ils proposent des parapluies, des montres, des calculatrices, des démodulateurs numériques et plusieurs autres objets électroniques, en gros et en détail. L'HYGIÈNE, E DERNIER DES SOUCIS Le souk est doté aussi d'un abattoir communal et d'une surface pour la vente de viandes. Des vendeurs des viandes bovine, ovine et caprine s'entremêlent dans ce marché où l'hygiène n'a pas de place. Les bêtes égorgées dans l'abattoir qui se trouve à quelques mètres du lieu de la vente, gisent toujours dans leur sang. Les eaux de rinçage des abats et autres tripes sont jetées juste devant l'entrée des boucheries. Et quand elles ne s'écoulent pas vers d'autres lieux du souk, elles forment des flaques dans les ornières. Conséquence : une odeur nauséabonde se dégage. A quelques encablures de là, des consommateurs s'agglutinent autour des gargotes. Parallèlement à cet endroit, les amoureux des oiseaux font les yeux ronds face aux chardonnerets, aux canaris et autres perroquets. Il y a également les animaux de basse-cour qui retiennent les badauds. Au marché hebdomadaire de Boufarik, la multitude des activités assure la continuité d'un lieu commercial vieux de 200 ans. Et jusqu'à nos jours, quelques vieux marchands ont su perpétuer certaines traditions pour donner à ce lieu un charme chaque jour malmené par un semblant de modernité.