Tous les stades et toutes les compétitions footballistiques en Algérie, sont touchés par le phénomène du hooliganisme. Il ne se passe pas un seul week-end où on ne signale pas des agressions aux alentours des stades, des affrontements entre supporters et forces de l'ordre, ou encore entre ultras. Dernier épisode d'animosité dans notre football : 71 personnes agressées, dont une trentaine sérieusement, à l'occasion du match de l'équipe nationale face au Rwanda à Blida. C'est dans ce contexte qu'une conférence a été organisée jeudi dernier au CHU Ben Badis de Constantine par l'association des psychologues de Constantine, et dans laquelle M. Oukassi a animé durant trois heures un riche débat sur le sujet. La perception du hooliganisme, selon le psychologue, est directement liée aux autres formes de violences sociales. En d'autres termes, il faut d'abord comprendre la société et ses maux pour expliquer la violence dans les stades. D'emblée, le professeur est convaincu que le hooliganisme algérien n'a rien à voir avec le hooliganisme anglais ou allemand, ni même tunisien et marocain : «les jeunes ne sont pas violents mais «incivilisés». «Les gens violents ont une formation intellectuelle, ils sont conscients de leurs actes». En fait, il explique que la particularité de la société algérienne, c'est qu'elle prépare les hommes, à leur bas âge, à occuper un rôle dominant et à penser «Rodjla». La faute reviendrait aux parents, le père surtout, qui a une grande part de responsabilité dans l'éducation de ses enfants : «La Rodjla est une vraie catastrophe pour notre société. On gave les enfants de mauvaises habitudes en leur apprenant l'affirmation de soi et l'agressivité, puis on s'en rend compte tardivement. Aujourd'hui, la violence s'est banalisée, il y a 21 millions d'Algériens qui sont mal éduqués et au yeux de la loi les parents sont responsables de l'éducation de leurs enfants». LA FAMILLE : L'AUTRE LIEU DE VIOLENCE Les effets de cet état d'esprit tribaliste qui est courant chez une bonne partie de la population, sont irréversibles. De nos jours, selon M. Oukassi, il y a confusion entre peur et respect. Ils sont nombreux les enfants, garçons et filles, à subir les châtiments corporels à la maison et même à l'école et ce jusqu'à l'âge de 15 ans. Une humiliation qui se transformera un jour en violence. Les stades sont donc un vrai terrain de jeu pour ces adolescents qui en veulent à la terre entière. Une manière pour eux de se défouler car tout ce qui est illégal est encouragé par les foules. Si les parents devront revoir leurs méthodes d'éducation, la société n'est pas en reste, et à commencer par l'école. Pour le professeur, il faut recruter dans chaque établissement scolaire un psychologue qui sera à l'écoute des élèves, mais il faut aussi leur apprendre l'éducation sexuelle, car ce complexe entre filles et garçons se traduit le plus souvent par un rejet, voire une violence à l'encontre du sexe opposé. Ces conditions psychologiques sont pour beaucoup dans le caractère violent des jeunes Algériens dans les stades. Mais faut-il pour autant discriminer les acteurs du football ? DE LA VIOLENCE VERBALE… La réponse de M. Oukassi va dans le sens positif, car pour lui, le hooliganisme n'est pas une fatalité mais beaucoup de choses doivent changer. Les premiers responsables sont les présidents des clubs qui, par leurs agissements antisportifs dans les stades et leurs déclarations dans la presse, poussent les jeunes à se rebeller. Puis il y a aussi les joueurs, censés représenter l'éthique sportive. « Les joueurs peuvent déclencher des tensions. Souvent, ils sont vicieux, agressifs et ils n'ont aucune morale ». Enfin, le rôle de l'arbitre est considéré comme crucial. Toutefois, explique M. Oukassi, les arbitres ont généralement une connaissance médiocre des règles. D'autres facteurs peuvent faire pression et surchauffer les gradins, comme le rôle de la presse sportive qui manque de professionnalisme, les drogues et les psychotropes, les infrastructures inadéquates, et les forces de l'ordre qui ne sont pas formés pour endiguer les débordements dans les stades. Au final, le psychologue reste cependant optimiste. Pour lui, les solutions existent, comme l'installation des caméras de surveillance dans les stades, l'interdiction d'accès aux drogués et aux mineurs, les sanctions pénales exemplaires et, bien évidemment, la responsabilité de la famille et de l'école.