Heysel ? Il y a 25 ans, le syndrome bruxellois, qui a fait trembler le monde, n'est plus, dans la conscience universelle, qu'un sombre épisode dans l'histoire des tragédies marquantes écumant les stades de la passion déchaînée de la foule anonyme prise dans les mailles de Hillsbourg (Grande-Bretagne, 1989, 96 morts et 776 blessés), de Furiani (France, 1996, 18 morts et 2857 blessés), de l'Estradio Matéos Florés (Guatemala, octobre 1996, 84 morts), du Chililabombwe (Zambie, juin 2007, 12 morts et 47 blessés), de Butembo (Congo, septembre 2008, 13 morts et 54 blessés), du stade Félix Houphouet-Boigny (Côte d'Ivoire, mars 2009, 135 blessés). Le prix de la folie a eu depuis toujours ses dérapages monstrueux (Glasgow en 1902, Bolton en 1948, Estadio National de Lima en 1964, Kayseri en Turquie en 1967, River Plate en 1968, Le Caire en 1974, Le Pirée en 1981, Loujiniki à Moscou en 1982, Valley Parade à Bradford en 1985). Des dérapages qui sont le fait de défaillances humaines ou techniques. Dans le monde, les victimes du foot ont été jusque-là le fait de bousculades, de l'effondrement de tribunes ou des escaliers. Rien de moins, rien de plus. Au Cairo Stadium, la déferlante haineuse a submergé l'Egypte politico-médiatique et faussement sportive pour assurer par l'agression la prétendue suprématie des Pharaons du mensonge, des pires calomnies, de la manipulation des vérités admises par les envoyés de la FIFA et des atteintes inadmissibles aux valeurs et à la dignité nationales. Avant, pendant et après le déroulement de la forfaiture cairote, les rues, les hôtels et l'aéroport se sont transformés en arènes à ciel ouvert voués à la chasse à l'Algérien, ce Moussa des temps contemporains osant barrer la route de l'Afrique du Sud aux bandes de voyous lâchés en toute quiétude et avec la complicité active des services de sécurité égyptiens sur les traces de leurs hôtes du jour. Dans cet autre Ghaza algérien aux alibis sportifs, l'icône Aboutrika, vénéré des Algériens, n'aura jamais la dimension d'un Platini qui a refusé de poursuivre la partie à un regard du drame du Heysel. Il n'aura pas la délicatesse et la noblesse du geste hautement respectable des deux capitaines de Liverpool, détenteur des 4 des 8 éditions européennes précédentes, et de la puissante Juventus appelant la main dans la main leurs supporters au calme. L'esprit sportif est sauf lorsque la dimension humaine est sacralisée. Aboutrika a tout vu et il s'est tu. Le personnage a fêté avec le sourire la victoire sanglante des siens. Le combat des valeurs et de l'éthique a fait long feu dans l'enfer cairote. A Zurich, depuis l'avertissement sans lendemain de Blatter, la FIFA se mure dans un silence complice. Le patron de l'auguste assemblée avait d'autres chats à fouetter. Telle la condamnation, le 15 novembre, de Maradona à une amende (25.000 CHF) et à une interdiction de deux mois d'exercice de toute activité footballistique, malgré le mea culpa du légendaire Argentin. Que vaut l'écart verbal du fantasque Maradona face à l'agression égyptienne faisant fi du code de l'éthique, des règles du jeu et de la crédibilité d'une institution impuissante ? La complicité réelle de la FIFA se couvre désormais de l'agression sauvageusement commise au Cairo Stadium. Elle a fait ses victimes dont elle portera la lourde responsabilité. Pourtant, à Heysel, la justice belge a lourdement sévi en condamnant les autorités responsables. Outre les batteries de mesures, la main lourde de l'UEFA s'est abattue fermement sur Liverpool interdit pendant 10 ans (la sentence a été ramenée à 7 ans plus tard) de compétition officielle et sur tous les clubs anglais (5 ans d'exclusion) en raison du comportement des hooligans à l'euro 88. Au Chililabombwe, la rencontre, opposant à l'aller la Zambie à l'Algérie, a failli être délocalisée par la FIFA pour cause de dégradation d'une partie des tribunes. Alors, pourquoi cette exception égyptienne ? Simple : Blatter a déclaré a priori ne pas concevoir le mondial sud-africain sans l'Egypte. Le deal des faussaires a déjà terni les grandes retrouvailles sud-africaines de la famille du foot. L'esprit discriminatoire indicible de Blatter et l'image insoutenable du martyr algérien hanteront la néanmoins valeureuse et fraternelle Pretoria. A jamais.