Le rejet de construction des minarets par les Suisses fait l'objet de vives réactions parmi les organisations onusiennes, dans le monde musulman et en Europe ainsi qu'au Vatican. La Rapporteuse spéciale de l'ONU pour la liberté de religion, Asma Jahangir, a dénoncé la « discrimination évidente » à l'encontre de la communauté musulmane. Elle voit des « conséquences négatives » parce que le Comité des droits de l'homme a récemment prévenu la Suisse qu'une telle décision est contraire aux obligations de la Suisse en vertu du droit international dans le domaine des droits de l'Homme. Pour sa part, le Haut Commissaire aux droits de l'Homme Navi Pillay a regretté un vote qui «risque de mettre le pays en contradiction avec ses obligations internationales». Le porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l'homme a précisé que « les Nations unies allaient prendre position sur le résultat du scrutin ». Le vote anti-minarets a été également critiqué dans le monde musulman. Le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique OCI, Ekmeleddin Ihsanoğlu a qualifié ce vote de « développement malencontreux» et a averti que cette évolution « ternissait l'image de la Suisse ». Le président du mouvement sénégalais, Malick Mbaye, entend mener une bataille de l'opinion à travers des marches pacifiques suivies de sit-in à Dakar, Paris, Bruxelles et Casablanca. En Jordanie, le Front de l'action islamique (FAI), branche politique des Frères musulmans et principal parti d'opposition du pays, y voit une « insulte aux musulmans et une violation des droits de l'Homme ». Au Liban, un influent dignitaire religieux chiite, l'ayatollah Fadlallah, a dénoncé ce vote ce le qualifiant de «raciste» et « fruit d'une campagne de propagande destinée à l'opinion publique suisse afin de présenter une image déformée et effrayante de l'Islam ». L'Iran a aussi dénoncé ce vote « discriminatoire ». « Le résultat des votations fédérales de dimanche contredit le principe de liberté religieuse prôné par l'Occident», a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. L'homme fort de la Turquie, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a exhorté la Suisse à « réparer cette erreur », mettant en garde contre une montée du racisme en Europe. Mais, le vieux continent qui a affiché ses craintes d'une stigmatisation de l'Islam, n'est pas prêt à assumer le vote suisse et le dénonce. « Le résultat de ce référendum va à l'encontre des valeurs de tolérance, de dialogue et de respect des croyances de l'autre », a déclaré Luís Maria de Puig, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. « C'est un coup terrible pour la politique étrangère de la Suisse. C'est la fin de la politique de conciliation que la Suisse était capable de mener jusqu'à maintenant au Conseil des droits de l'homme », fulmine Jean Ziegler. En France, le porte-parole du parti majoritaire, Dominique Paillé, qui a estimé qu'il fallait « assumer ses convictions sans que cela blesse », a également appelé à distinguer entre « les religions qui étaient là avant l'avènement de la République » et « celles qui sont arrivées après ». Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner s'est dit « scandalisé » par « une expression d'intolérance ». Son homologue suédois Carl Bildt a estimé que « le résultat du référendum est l'indicateur de la peur et du préjugé ». Afin d'apaiser la tension, le ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, a reçu les ambassadeurs de pays musulmans pour leur « expliquer » les résultats du référendum. Mais les politologues avertissent le royaume helvétique qu'il faut craindre les réactions individuelles ou celles de l'élite musulmane. « Le regard du monde musulman sur la Suisse ne sera plus jamais le même », avertit le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, Hasni Abidi. La population musulmane en Suisse estimée à environ 400.000 sur une population de 7,5 millions d'habitants, faisant de l'Islam la deuxième religion du pays, a été appelée au calme par l'imam de la mosquée de Genève, l'une des quatre en Suisse flanquées d'un minaret.