Photo: Horizons. Dans cet entretien que Toufik Rahmani, Directeur général de la Chambre algérienne de la pêche et de l'aquaculture a bien voulu nous accorder, il revient sur les initiatives et dispositions prises par les institutions concernées pour faciliter la tâche aux pêcheurs durant l'exercice de leur fonction en mer d'un côté, et pour l'amélioration de la production halieutique, avec le développement notamment de l'aquaculture, d'un autre côté. La problématique du prix du poisson, les fruits de mer notamment qui sont hors de portée pour le consommateur algérien, dans cet entretien, il aborde également le problème de la pollution maritime (certaines plages sont qualifiées par M. Rahmani de véritables décharges publiques) qui empêtre sur le travail des pêcheurs et affecte la santé des poissons. Beaucoup de pêcheurs se plaignent de la pollution maritime. Ils attrapent dans leurs filets plus d'ordures que de poisson… Nous avons, en effet, un grand problème de pollution maritime. Du côté de Dellys notamment, les plages sont de véritables décharges publiques. Les vagues emportent tout dans leur passage, ordures et déchets y compris qui sont rejetés dans la mer. Les eaux usées sont également déversées en mer sans passer par les centres d'épuration d'eau qui d'ailleurs n'existent pas en Algérie. Les usines implantées au bord de la mer contribuent également à la pollution maritime. A Bousmail par exemple, la baie est tellement polluée qu'elle dégage des odeurs nauséabondes. Le centre de recherche scientifique à Bousmail a effectué des expériences sur les moules et les huîtres. Il s'est avéré que ces fruits de mer étaient impropres à la consommation ! Quelles sont les dispositions prises pour dépolluer les zones de pêche ? Nous avons lancé des campagnes de sensibilisation dans ce sens. De grands sachets poubelles sont distribués aux pêcheurs pour ramasser les déchets et ordures qu'ils attrapent dans leurs filets. C'est pour les obliger à ne pas rejeter, dans la mer, les déchets qu'ils trouvent dans leurs filets, comme certains le font. Petit à petit, nous arriverons à les sensibiliser pour sauvegarder l'environnement dans lequel ils travaillent. Les pêcheurs déplorent également la diminution progressive des richesses halieutiques… Je ne suis pas d'accord. La richesse halieutique n'a pas diminué. Nous avons une capacité de production de 220 000 tonnes/an dont 180 000 tonnes de poisson bleu. Le problème qui se pose est que des pêcheurs puisent dans les mêmes zones de pêche. Ce qui réduit la capacité dans ces endroits. Mais ceci ne signifie pas que la richesse halieutique a diminué. Car en puisant dans les mêmes points de pêche, les chalutiers surexploitent la capacité alors qu'il existe des zones de pêche vierges ou qui ne sont pas encore totalement exploitées. Vous avez sollicité et convaincu la Badr d'accorder des délais supplémentaires pour qu'ils puissent rembourser leurs dettes. Mais beaucoup affirment que cette mesure n'est pas appliquée sur le terrain. Qu'en est-il exactement ? Nous avons effectivement sollicité la Badr pour offrir des délais de prolongation aux pêcheurs qui n'arrivent pas à honorer leurs engagements. Comme argument, nous avons relevé à la banque la nature dangereuse de la fonction des gens de la mer, et nous lui avons rappelé que les pêcheurs sont entièrement soumis aux caprices d'une nature agressive et imprévisible. La Badr a accepté d'aider les pêcheurs mais en prenant la décision d'étudier les dossiers au cas par cas. Ce qui est légitime. La banque a le droit de défendre ses intérêts et c'est à elle de décider qui des pêcheurs mérite ou non de bénéficier d'un délai supplémentaire. Quand le client est crédible, honore au moins une partie de ses dettes, la banque peut se prononcer en sa faveur. Mais quand il ne s'acquitte pas sérieusement de ses engagements, il est tout à fait normal qu'elle lui retire sa confiance. La pêche à l'espadon a été suspendue durant deux mois. Pour quelle raison ? La pêche à l'espadon a été suspendue durant les mois de septembre et octobre. C'est une recommandation internationale pour permettre à ce poisson de se reproduire et d'atteindre sa taille normale. D'ailleurs, c'est aussi à cette même période que le rouget et le merlan se reproduisent. Nous avons également mené des campagnes de sensibilisation pour appeler les pêcheurs à ne pas pêcher durant la période allant de 1er mai au 31 août, période où les poissons se reproduisent. Nous avons baptisé cette campagne «l'arrêt biologique». Les gardes-côtes veillent aussi à ce que les pêcheurs respectent les directives en effectuant des contrôles rigoureux. Grâce à cette campagne, nous avons enregistré, au cours de 2009, moins d'infractions par rapport à l'année dernière. Quand pourrions-nous acheter du poisson à des prix abordables ? L'aquaculture que nous sommes en train de développer est un complément à la pêche nationale. La pêche maritime ne peut pas donner plus de 220 000 tonnes/an. Avec l'augmentation de la demande, dans les régions sud notamment, nous nous sommes dirigés vers l'aquaculture avec le soutien de l'Etat. De nombreux projets ont été lancés pour l'élevage du poisson, à Azzefoun notamment. Il faut savoir que le prix du poisson en Algérie est moins cher par rapport à d'autres pays. Mais il faut dire aussi que le pouvoir d'achat du consommateur algérien est faible. Les Algériens préfèrent la viande rouge. Même ceux qui peuvent se permettre d'acheter les crevettes par exemple, ne le font pas. Mais il est vrai aussi que les prix du poisson sont des prix libres. Comment arrêter les poissonniers de vendre du poisson congelé en le faisant passer pour du poisson frais ? Il faut que les contrôles soient renforcés par le ministère du Commerce chargé de l'hygiène des produits de pêche. Pour notre part, l'une de nos missions consiste à sensibiliser les gens de la mer sur les dangers qu'ils encourent durant leurs activités, d'où l'organisation des journées de sensibilisation autour de toutes les problématiques les concernant, dont la fonction et la sécurité, la santé et la formation du pêcheur. La prochaine journée sera consacrée à l'assurance des navires et de ses équipements. Nous inviterons les sociétés d'assurance à nous faire part de leurs services dans ce domaine.