Les trois experts qui ont animé, hier, un débat au centre des études stratégiques « Echaab » ont mis en garde contre l'ingérence étrangère dans le combat contre le terrorisme au Sahel africain. Mais, il faut faire la différence entre l'ingérence et la coopération «librement consentie», ont-ils signalé. Selon eux, toute ingérence étrangère aide les terroristes à convaincre la population locale que les dirigeants sont des alliés du « Satan ». Le Dr Lyes Boukra, chercheur algérien et spécialiste de la question, affirme que le but des groupes terroristes n'est pas de prendre le pouvoir, mais de provoquer le maximum de conflits entre les Etats de la région pour favoriser justement l'ingérence étrangère qui leur permettra de maintenir l'aide -ou au moins la passivité- de la population locale. « Sans ces éléments, le terrorisme ne pourra jamais survivre… et puisqu' il est dans une impasse, il faut agir maintenant pour le faire disparaître parce qu'un an de plus coûtera dix fois plus», a conseillé le chercheur algérien. Conformément à sa thèse, il faut que trois facteurs soient réunis : la volonté politique de liquider le terrorisme, la cohérence de l'action entre les Etats de la région et le renforcement de l'Etat de droit. Sur ce troisième point, le Dr Boukra indique qu'il est important de gagner la confiance de la population par une présence soutenue des autorités pour les rapprocher des citoyens, malgré l'importance du territoire et le coût financier. « Il y a des gens qui n'ont jamais vu un seul agent d'ordre », dit l'expert. Pour que cela aboutisse, il conseille de former un personnel antiterrorisme dans une école spécialisée. Le ministre malien de la Défense, Dr Adamou Rabbani, a été séduit par l'idée d'une école de formation pour personnel antiterrorisme. Il s'est déclaré également en accord avec le fait que l'ingérence étrangère constitue un facteur d'incertitude. Il affirme qu'il y a une nuance sur la caractérisation de la menace terroriste et demande des signaux plus forts de la part des chefs d'Etat afin de sauver cette région qui devient importante pour ces richesses naturelles. Le Dr Rabbani qui est actuellement chercheur à l'université de Bamako assure qu'en dépit de l'absence d'une législation internationale pour mener le combat contre le terrorisme, les instruments juridiques régionales et bilatérales existent et qu'il faut juste les appliquer. Il a souligné, en outre, que l'annonce d'aide militaire algérienne au Mali a donné un élan à la coopération bilatérale. Enfin, il prévient du phénomène du terrorisme et dit que « ce qui peut atteindre les malheureux peut frapper les plus chanceux », parce que nul n'est à l'abri. Le Nigérien Soumalou Boubaye Maïga soutient que les enjeux sur la sécurité de la région du Sahel sont multiples et qu'il faut leur faire face ensemble parce qu'on est géographiquement lié. « Celui qui dit nord du Niger et du Mali dit sud algérien ». Il ajoute que cette région est vaste et connait aussi un faible peuplement dans les six pays voisins, éléments qui aident les groupes terroristes à en faire un refuge, à entraîner les djihadistes parce que c'est une réservoir de recrutement pour l'organisation mondiale de terrorisme d'« al-Qaida » pour l'Irak et l'Afghanistan. Mais, il avertit que cela peut tourner en « irakisation » de la région parce que les djihadistes qui ont été envoyés dans d'autres pays peuvent revenir et semer la trouble comme ça a été le cas pour l'Arabie Saoudite. L'expert nigérien admet qu'il y avait dans le passé une confusion à propos du GSPC devenu BAQMI. Les gens croyaient que c'est une exportation algérienne du terrorisme alors qu'en réalité c'est un groupe qui cherche à légitimer son combat pour continuer à exister.