Photo : Lylia M. Après la conférence des 7 ministres des Affaires étrangères des sept pays riverains du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Libye et Mauritanie) qu'elle a accueillie mardi, Alger abritera en avril prochain deux réunions cruciales du même format : la première regroupera les premiers responsables de la lutte contre le terrorisme et la seconde, les chefs d'état-major des armées. Ces deux rencontres permettront l'évaluation de l'évolution de la menace terroriste, au niveau régional, le commencement des échanges des renseignements, et la tenue à Bamako et « dans les meilleurs délais » du sommet des sept chefs d'Etat sur la paix, la sécurité et le développement dans la région qui a été plusieurs fois annoncé et reporté. « Après une conférence qui s'est déroulée sous le signe de la triptyque, franchise, responsabilité et détermination, nous sommes parvenus à un consensus total pour s'attaquer au terrorisme dans la région. Nous avons opté pour une stratégie d'action et nous allons passer à l'action », affirme Abdelkader Messahel, le ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines, dans un point de presse qu'il a animé à l'hôtel Sheraton, mardi soir, à l'issue des travaux à huis clos de la conférence des ministres des Affaires étrangères, la première après celle qui s'est tenue il y a un an et demi sur « la paix et la sécurité » à Bamako. Parmi les actions annoncées pour contenir la menace terroriste : l'échange des renseignements, la coopération sécuritaire sur le terrain, explique Messahel reconnaissant que la réunion a été mise à profit pour aplanir les divergences, échanger les points de vue, « non seulement sur les préoccupations communes mais aussi et, particulièrement, sur ce que furent nos faiblesses et nos points forts pour faire face aux menaces » à la sécurité. Les « sept » qui ont réitéré avec force leur « ferme condamnation » du terrorisme affichent une détermination à agir individuellement et ensemble pour éradiquer ce fléau et ses connexions avec les narcotrafiquants, les vendeurs d'armes et d'êtres humains et redonner à la région la vocation qu'elle a toujours eue, celle d'un espace d'échanges, de paix, de stabilité et de coopération féconde. « Nous avons tous une responsabilité en tant qu'Etats de lutter contre ces phénomènes, d'abord dans nos pays, ensuite sur un plan bilatéral et, enfin, sur un plan sous- régional », dit-il saluant le « soutien » apporté à l'initiative d'Alger par les Américains qui surveillent étroitement ce qui se passe dans la bande saharo-sahélienne, pour des questions sécuritaires et géostratégiques et souriant au Maroc qui a déploré son absence au Sheraton. Aux journalistes qui ont insisté sur cette sortie de Rabat, il leur a suggéré de consulter une carte pour constater que notre voisin de l'Ouest n'est pas concerné par la conférence des Sahéliens. « La Guinée, le Nigeria etc, ont exprimé leur souhait de prendre part à la réunion mais, son format a été décidé par les sept pays », dit-il pour clore ce faux débat. Autre grande réussite des sept : « la condamnation sans équivoque du paiement des rançons » aux personnes, groupes, entreprises ou entités terroristes, conformément aux résolutions de la conférence de l'Union africaine (juillet 2009) et du Conseil de sécurité (17 décembre 2009) qui criminalisent cet acte et la prise d'otages. Nous avons rappelé l'obligation de chaque Etat d'appliquer intégralement les résolutions de l'ONU à ce sujet », souligne Messahel n'excluant pas un renforcement de l'arsenal juridique existant, une accélération des réunions politiques et militaires entre les « sept » et la multiplication de séminaires au CAERT, centre de lutte contre le terrorisme, au besoin. LE DÉVELOPPEMENT, L'AUTRE DÉFI DU SAHEL M. Messahel est revenu longuement et à plusieurs reprises sur la nécessité de poursuivre les grands chantiers comme la transsaharienne qui relie Alger à Lagos (4.600 km) et dont 220 km restent à réaliser. Selon le ministre des Affaires maghrébines et africaines, une réunion des bailleurs de fonds est prévue en avril prochain à Niamey pour récolter les 180 millions de dollars nécessaires. Comme pour ne pas se départir de ses engagements et obligations régionales, l'Algérie finance selon le conférencier des forages de puits d'eau, des centres de formation professionnelle, des centres de santé etc. Notamment au nord du Mali, au Niger, au Tchad. Ce besoin de renforcer la coopération transfrontalière et de réaliser des programmes de développement durable pour l'amélioration des conditions de vie des populations et leur réinsertion socio-économique, en particulier en direction des jeunes est présenté comme une « manière » de couper l'herbe sous les pieds de l'Internationale terroriste qui profite de toutes les situations pour s'implanter. Y compris de la misère. D'où l'insistance des participants à la conférence d'Alger sur les actions humanitaires pour faire face aux situations d'urgence identifiées. Comme la famine annoncée au Niger. « Nous sommes dans une nouvelle dynamique régionale », lâche Messahel à la fin de son point de presse. Al-Qaïda qui a prié pour que l'initiative d'Alger soit un flop pour faire de la région l'un de ses repaires - comme elle l'a fait pour la Somalie et le Yémen - pour préparer ses attaques ou faire fortune avec les prises d'otages, peut refaire ses calculs après la décision des pays du Sahel d'entrer « réellement » et « sans concessions » et avec une « « approche intégrée, coordonnée et solidaire » dans une stratégie de lutte contre le terrorisme et ses connexions. Les « 7 » y compris l'Algérie la Mauritanie et le Mali qui ont eu un froid après le troc réalisé par Bamako (libération de 4 islamistes conte un otage français), étalé parfois au grand jour leurs divisions, ont décidé de mettre de côté leurs divergences et de serrer les rangs pour laisser aucun prétexte pour l'ingérence des grandes puissances dans ce vaste corridor qui subit depuis quelques années une recrudescence des actes terroristes.