Le terrorisme au Sahel a été le principal sujet de la conférence-débat organisée hier au centre des études stratégiques d'Echaâb. Les invités du professeur M'hand Berkouk, président du centre, étaient au nombre de trois : Soumeylou Maïga Boubeye, ex-ministre de la Défense malien, Adamo Rabani, juriste nigérien, et le sociologue algérien, Liess Boukra, auteur de plusieurs ouvrages sur le terrorisme islamiste, dont le dernier, Le Djihadisme, vient de paraître aux éditions Apic. Pendant plus de deux heures, les intervenants se sont surtout penchés sur le statut de l'ex-GSPC, devenu Aqmi (Al-Qaïda du Maghreb islamique), la stratégie de lutte contre ce mouvement et également ses objectifs. Sur ce dernier point, l'ex-ministre malien et le sociologue algérien étaient d'accord pour affirmer que l'un des objectifs principaux du terrorisme dans le Sahel est de permettre l'ingérence étrangère dans la région. “C'est pour légitimer le combat de l'Aqmi”, déclara Soumeylou Maïga Boubeye, alors que Liess Boukra s'est montré beaucoup plus “prolixe” sur le sujet. Il établira son analyse par la stratégie, selon lui, des groupes terroristes dans le Sahel, en posant deux questions : “Puisqu'ils ne peuvent pas prendre le pouvoir, alors qu'est-ce qu'ils veulent ?” et en se demandant si réellement la région n'est qu'une simple “zone de repli”. Pour réponses, il dira que leur objectif (des terroristes) est “de faire le maximum pour provoquer des conflits entre les Etats de la région” pour transformer la région en “espace chaotique” et ainsi “provoquer l'ingérence” pour qu'après l'Aqmi claironne que les Etats de la région “étaient les suppôts de Satan”. Le constat établi, et non remis en cause par les autres intervenants, le débat sur le rôle des Etats du Sahel a également pris beaucoup de “place”. L'ex-ministre malien est revenu sur la dernière résolution adoptée le 17 décembre dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU portant sur les “menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme”. Avec une langue de bois “ornée” de termes diplomatiques, Soumeylou Maïga Boubeye a déclaré que “ce serait encore mieux si tous les Etats du Sahel font leur cette résolution”. Toutefois, il ne s'empêchera pas de poser une question qui sonnait comme une justification de la “torpeur” de certains Etats de la région : “Comment réaliser une coopération régionale sans toucher aux équilibres nationaux.” Une “logique interne” qui serait, selon l'ex-ministre malien, la raison des dysfonctionnements actuels dans la lutte antiterroriste, avant de rappeler que “le nord du Mali, c'est le sud de l'Algérie, c'est le nord du Niger et aussi le nord du Nigeria”. Les trois conférenciers n'ont pas voulu s'attarder sur l'urgence d'une démocratisation des systèmes politiques du Sahel pour renforcer la lutte antiterroriste. Ils ont insisté à plusieurs reprises sur l'urgence du renforcement des prérogatives des états et la nécessité d'une coopération accrue entre eux. Liess Boukra ira plus loin dans sa “plaidoirie” pro-étatique. Il affirma que l'appui sur les sociétés civiles, qu'il dit “pas suffisamment fortes” est loin d'être une solution : “Il faut se méfier des discours dominants” émanant de l'Occident. Le sociologue proposera, sur la base de ce qu'il a appelé “le caporal innovant et le général conventionnel”, la création d'un centre de formation commun aux pays du Sahel. Reste maintenant le concret. Les Etats du Sahel jouent toujours la “défensive”…