Les algériens célèbrent aujourd'hui l'an 2960, en Algérie mais également en Tunisie et au Maroc. Car il faut savoir que Yennayer n'est pas propre à l'Algérie mais à toutes les régions de l'Afrique du Nord. Hier, dans la soirée, veille de Yennayer, les Algériens ont célébré, dans les différentes régions du pays dont Bordj Bou Arréridj, le nouvel an berbère par la dégustation notamment de mets traditionnels avec, comme plat essentiel, couscous à la volaille. «La volaille est plus un symbole qu'une simple viande. Elle symbolise le début d'une nouvelle année, meilleure. Les œufs également garnissent la table du Yennayer. L'œuf symbolise le bloc terrestre, la terre nourricière, la terre féconde. Yennayer est célébré partout de la même manière à des nuances près», explique le chercheur et animateur à la radio, Said Mariche. Cela dit, affirme M. Mariche, même si les algériens célèbrent Yennayer dans la pure tradition, cet événement ne porte pas la même symbolique d'avant. «Les amazighs le célébraient pour se rapprocher de la terre et de ses genêts, les prient de leur offrir ce qu'il y a de meilleur et leur épargner les malheurs. Ils y croyaient. En pratiquant de différents rituels, ils tentaient de s'attirer les bienfaits des esprits invisibles qui, selon eux, commandaient la nature. Les femmes par exemple ne portaient pas, au premier jour du Yennayer, de ceinture afin de ne pas devenir stériles», explique-t-il. Au fait, ajoute-t-il, Yennayer est une double célébration : le début de la période agraire et l'ouverture d'une porte vers le futur, que les amazighs baptisent «la porte de l'année». Une porte qui s'ouvre sur des espérances mais également sur beaucoup de superstitions. En revanche, de nos jours, Yennayer est célébré comme une tradition qui permet de faire simplement la fête», dit-t-il. Dans ce sens, Hamid Bilek, directeur du HCA (Haut Commissariat à l'Amazighité) va plus loin en affirmant que beaucoup d'Algériens célèbrent Yennayer sans en connaître le sens. «Ces dernières années, avec la célébration officielle de Yennayer par le HCA dans les différentes régions du pays, les gens ont commencé à se poser des questions sur cet événement. Pourquoi célèbre-t-on Yennayer? se demandent-ils», a-t-il indiqué. L'ORIGINE DE YENNAYER : UNE PROBLÉMATIQUE M. Bilek répond à cette question en proposant un flash-back des origines de Yennayer. «Chaque peuple choisit une date dans son histoire pour en faire un repère temporel. Les musulmans ont opté pour la date de l'émigration du Prophète Mohamed (Que le Salut Soit sur Lui) de la Mecque vers Médine, les chrétiens ont choisi la naissance du Christ, les grecs : les jeux olympiques tandis que les amazighs ont choisi la date de 950 Avant J.C, l'année durant laquelle le roi Chechnaq, descendant des amazighs, est monté sur le trône de la 22e dynastie en Egypte, après avoir combattu les pharaons. Sa famille est restée sur le trône durant deux siècles», raconte-t-il. Le roi aurait choisi le jour de son ascension au trône, comme premier jour de l'an. «Mais il faut savoir que la présence des amazighs en Egypte est antérieure à l'époque du roi Chechnaq. Dans la palette de Narmer, roi de la première dynastie égyptienne, les amazighs sont cités et évoqués comme parmi les habitants de la vallée du Nil. L'Histoire a démontré que les relations, souvent conflictuelles, entre les amazighs et les pharaons remontent à près de 3000 ans avant J.C», évoque-t-il. Cependant, affirme-t-il, le calendrier amazigh est avant tout agraire qui obéit aux cycles de la nature qui tient probablement sa référence du calendrier julien, également agraire. «Les romains avaient un calendrier qui se compose de seulement 10 mois. Jules César a ajouté, plus tard, deux autres mois constitués de 350 jours d'où l'appellation du calendrier julien. Mais au 16e siècle, le chef de l'église Grégoire III, a découvert que le calendrier julien accusait un retard de dix jours. Il a donc décidé de rajouter les 10 jours manquants et le calendrier julien a été rebaptisé le «calendrier grégorien». Le calendrier amazigh va de paire avec le calendrier julien, tous deux agraires et étroitement liés à la nature, à l'environnement et au climat», conclut-il. Toutefois, la problématique sur l'origine du calendrier amazigh reste entière. C'est ce qu'affirme M. Mariche. «Rien ne prouve que le calendrier amazigh s'est inspiré du calendrier julien. Au contraire, les amazighs, dans la pratique de leurs traditions, n'ont emprunté aucun rituel romain. Ce sont des traditions purement berbères dont le carnaval qu'on continue à célébrer à Beni Snous, à Tlemcen. Je crois qu'il faut rendre aux amazighs ce qui appartient aux amazighs !», estime-t-il. Pour sa part, M. Bilek affirme que Yennayer n'est peut-être qu'un mythe. Mais c'est un mythe fondateur et toutes les nations en ont !