Photo : Lylia M. A Sidi Mabrouk, au centre de maternité, le plus grand de la ville, 12.000 femmes y sont admises chaque année. Là aussi, c'est le même désordre. Nous l'avons visité dans l'après-midi où normalement les couloirs sont calmes. Au rez-de-chaussée du bâtiment se trouve le service des accouchements. Des futurs papas attendent dehors, et sans vouloir faire une irruption au bloc, nous décidons plutôt de rallier le deuxième étage qui abrite les services de gynécologie, de nursery et du GHR (Garde à hauts risques). Nous choisissons alors d'emprunter le couloir de droite où se trouve la nursery. Un père attend avec impatience la sortie de la sage-femme pour voir son bébé. Il est bien sûr heureux et ne s'en cache pas. Nous nous approchons de lui pour savoir si tout va bien et que si l'accouchement s'est bien déroulé : «tout s'est bien passé», nous dira-t-il. La sage-femme sort. Elle lui demande de tenir son nouveau-né, un garçon, et comme tout homme il a ce réflexe de refuser de le porter de peur qu'il y arrive malheur. Quelques minutes plus tard, une femme médecin sort d'une chambre, le visage fatigué. Nous nous présentons et lui demandons si c'est possible de lui poser quelques questions. Sans s'arrêter, elle nous annonce qu'en ce moment un bébé se trouve entre la vie et la mort. Nous partons alors voir le service GHR. Déjà du fond du couloir on peut apercevoir des femmes qui dorment par terre. Six chambres ouvertes les unes sur les autres où s'entassent des dizaines de femmes. Elles sont cinq ou six dans une chambre qui, normalement, doit accueillir deux lits. D'autres font les cents pas, histoire de se dégourdir les jambes. Une sage-femme nous interpelle dans son bureau et après quelques tergiversations, elle accepte de répondre à nos questions. Une collègue plus jeune qu'elle la rejoint. Nous abordons les premières questions sur les conditions de travail et la première réponse fut bien évidemment en relation avec la charge importante des malades. «Nous travaillons en deux équipes, trois sages- femmes le soir, et trois autres la journée. Je me souviens qu'à la fin des années 90, nous travaillions à l'aise, nous avions une dizaine de femmes par jour pas plus, mais regardez aujourd'hui, elles sont quarante ou cinquante par jour. C'est une situation ingérable, souvent et par manque de places, les femmes malades sont tranférées dans d'autres services. Je vous le dis franchement, nous ne pouvons pas refuser les femmes enceintes d'où qu'elles viennent mais comme vous le voyez nous sommes en surcharge». Comme le CHU donc, c'est le même problème qui se pose pour la maternité de Sidi Mabrouk et nos deux infirmières espèrent, elles aussi, qu'on arrête de trimbaler les femmes d'une ville à une autre. Heureusement que la vigilance et le savoir-faire du personnel limitent les dégâts, les accidents et les décès sont rares. Le médecin, quant à elle, estime que les conditions de travail changent selon les saisons. En été, dira-t-elle, tous les balcons sont occupés par les malades mais avec les congés annuels qui se font très fréquents dans cette période, il arrive qu'une seule sage-femme s'occupe de 40 patientes.