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Le déficit en paramédicaux s'accentue à l'hôpital de Djelfa Alors que de nouvelles réalisations sont en cours pour répondre aux besoins croissants de la population
Photo : M. Hacène De notre envoyée spéciale à Djelfa Karima Mokrani L'établissement public hospitalier (EPH) de Djelfa ne manque ni de médecins généralistes ni de spécialistes. La Direction de la santé et de la population (DSP) de la wilaya en a recruté un grand nombre. En revanche, ce sont les agents paramédicaux qui font défaut. Ajouté à l'exiguïté des services qui n'arrivent pas à répondre aux besoins croissants d'une population de plus en plus nombreuse -Djelfa est classée quatrième wilaya d'Algérie en termes de démographie- ce déficit suscite l'inquiétude. Les malades s'en plaignent, le personnel médical et paramédical encore plus. Au service de pédiatrie, composé de 30 lits, un jeune en blouse blanche demande : «Ne pouvez-vous pas leur dire d'avancer plus dans les travaux de réalisation du complexe mère/enfant ?» Une nouvelle construction qui devra abriter ce même service avec, toutefois, de meilleures capacités d'accueil. En attendant, il n'y a pas une seule personne qui ne se plaint pas des conditions difficiles de prise en charge des enfants. Cet espace manque d'air et de soleil : «Ça ressemble à une cave. Ce n'est pas un bon endroit pour les enfants.» Surtout pas aux enfants de Djelfa qui souffrent, à longueur d'année, de problèmes respiratoires et de grippe. «Nous accueillons quotidiennement des enfants malades. Il nous faut plus d'espace et de meilleures conditions d'aération», lance un pédiatre. Sa collègue insiste sur le fait que «les enfants ont besoin d'une attention particulière de la part des médecins, des infirmiers… et de tout le personnel». Et cette même personne d'attirer l'attention sur le manque flagrant de personnel paramédical : «Nous avons deux infirmiers pour 30 enfants, soit un infirmier pour 15 enfants. La loi stipule qu'un infirmier ne doit pas s'occuper de plus de trois enfants. Nous sommes loin de la norme.» Les médecins demandent le recrutement de nouveaux agents paramédicaux : «Nous travaillons difficilement, surtout pendant l'hiver, période propice à la grippe et à la bronchite. C'est aussi un grand problème pendant les congés.» L'autre problème posé par les médecins est l'absence de matériel de réanimation : «Nous avons besoin de matériel de réanimation pédiatrique. Il ne s'agit là que d'une partie infime des problèmes que nous vivons au quotidien.» «Nous avons d'autres problèmes. La liste est longue», lancent deux femmes qui se sont jointes au groupe. Mme Senni Safia, chef du service maternité, parle de surcharge de travail. «Le service maternité ne dispose que de 32 lits alors que nous nous retrouvons parfois avec 60 malades. Nous avons une moyenne de 24 accouchements par jour.» Elle affirme que les femmes qui accouchent quittent très rapidement le service pour céder la place à d'autres mais il arrive que certaines d'entre elles, ayant eu des complications, restent plus longtemps que prévu. C'est là qu'il y a problème : «Nous n'avons pas assez de lits pour les accueillir toutes mais nous ne pouvons pas non plus les refouler.» La situation est d'autant plus critique qu'il y a un manque sérieux de paramédicaux dans le service. «Nous assurons plusieurs tâches à la fois et ça nous fatigue et nous stresse davantage», dit-elle, soulignant à l'occasion qu'elle exerce cette fonction depuis 30 ans et qu'elle ne perçoit pas un salaire en fonction du travail effectué. «27 000 DA pour faire tout ce travail !» se plaint-elle. La sage-femme évoque un autre problème, celui de l'évacuation vers la maternité de l'hôpital de Djelfa de parturientes des hôpitaux des wilayas voisines, notamment Laghouat, Aflou et M'sila. «Ce n'est pas que nous ne voulons pas prendre en charge ces femmes mais c'est que la plupart d'entre elles arrivent dans des situations difficiles…» Dans ce même service de maternité, il y a un espace réservé aux bébés prématurés. Et il y en a toujours. «Nous avons beaucoup de bébés prématurés», affirme une femme rencontrée en ville. «Le mien en fait partie», poursuit-elle, présentant son enfant, âgé aujourd'hui de cinq ans. C'est le garçon le plus perturbateur de la maison. «C'est un garçon un peu chétif mais très intelligent et très éveillé. C'est le plus agitateur de la maison. Il met de l'ambiance», raconte son grand frère. En effet, depuis l'arrivée à Djelfa de spécialistes cubains en néonatalogie, dans le cadre du programme «mère/enfant», il y a de grandes améliorations dans la prise en charge des nouveau-nés. Les Cubaines apportent un grand soutien à leurs collègues algériennes et aident les femmes à vivre sereinement leur grossesse et leur accouchement. Pour donner de meilleurs résultats à cette coopération algéro-cubaine et répondre mieux aux besoins des femmes, un complexe «mère/enfant» est en voie de finalisation, non loin de ce même hôpital. Il doit abriter cinq salles opératoires et 100 lits. «Peut-être qu'avec l'ouverture de ce complexe, les choses changeront positivement pour nous», espère un médecin gynécologue. Une petite salle d'à peine 16 m2 contient, elle aussi, des nouveau-nés. Cinq à six bébés dans un même berceau. Il y a aussi deux enfants de quelque 7 à 8 mois. Derrière le regard innocent se cache un mal social. Un drame social. «Ce sont des enfants nés sous X. Cet espace appartient à la DAS [direction de l'action sociale]», explique, sur un ton triste, la sage-femme. De nombreux parents s'y présentent pour leur adoption mais ils rencontrent des problèmes. La procédure administrative «trop compliquée» et «les affaires qui traînent en justice» ne sont pas pour arranger les choses. La sage-femme cite le cas de cet enfant de 8 mois : «Le père ne veut pas le reconnaître et la mère ne veut pas lâcher. C'est le nom du père qu'elle veut lui donner, non le sien. L'affaire est toujours pendante en justice et cela nous empêche de le confier à une famille d'accueil même s'il y a une demande persistante.» La mère célibataire dispose du droit d'être hospitalisée à tout moment pour accoucher de son bébé dans de bonnes conditions. Elle peut prendre son bébé avec elle après l'accouchement comme elle peut l'abandonner à l'hôpital. Elle doit juste laisser une photocopie de sa carte d'identité que seul le chef de service du bureau des entrées a le droit de vérifier et de garder. «C'est pour les besoins du dossier. C'est aussi pour laisser la porte ouverte à la mère si un jour elle désire retrouver le lien avec son enfant», explique l'assistance sociale. Ce qui est toutefois incompréhensible, c'est que les enfants nés sous X sont confiés au service de maternité. De surcroît, dans un espace très réduit. Leurs besoins diffèrent pourtant de ceux des autres. Ils ont besoin d'une grande affection, d'un soutien particulier. Le service de médecine générale regroupe six services que nous devons plutôt appeler unités à cause de l'espace réduit dans lequel elles sont confinées. La responsable de l'unité d'oncologie, Mme Branci Fathia, insiste sur ce mot : «C'est une unité, ce n'est pas un service. Regardez comme c'est petit !» Cette unité est nouvelle, elle a été ouverte le 30 décembre 2008 mais Mme Branci semble s'y attacher comme s'il s'agissait d'un bien personnel. Elle aime son travail et tient à bien le faire… mais pas dans ces conditions. La jeune femme ne rate pas une occasion pour attirer l'attention des responsables au sujet du problème de l'exiguïté des locaux ainsi que de l'absence d'une équipe médicale de garde. Elle assure que grâce à l'ouverture de cette unité, de nombreux malades cancéreux ont pu bénéficier des soins nécessaires, dans les temps et sans se déplacer au Centre Pierre et Marie Curie de l'hôpital Mustapha Pacha (Alger). «Depuis que les patients ont pris connaissance de l'ouverture de cette unité, ils ne se rendent plus à Alger. Aussi, chez nous les rendez-vous, sont de plus en plus rapprochés. Ils ne dépassent pas quatre semaines», rassure-t-elle. Cela est d'autant plus rassurant pour les malades ô combien nombreux à espérer des rendez-vous qui peuvent mettre parfois jusqu'à une année pour être donnés au CPMC. Mme Branci fait remarquer que cette unité d'oncologie fait office d'hôpital de jour. Le malade vient le jour faire sa séance de chimiothérapie et rentre le soir chez lui. «Normalement, c'est un hôpital de jour mais nous gardons plusieurs fois des malades pour des séances de chimiothérapie prolongées. Nous sommes obligés de garder certains malades jusqu'à cinq jours», affirme-t-elle. Jusque-là, les choses se passent normalement. Il y a toutefois un problème : «Nous n'avons pas d'équipe de garde pour surveiller ces malades la nuit. Des infirmiers d'autres services font ce travail, alors qu'ils n'y sont pas obligés… Voilà pourquoi nous n'acceptons pas les enfants.» «Il faut un service intégralement consacré aux cancéreux. De l'espace et une équipe de garde», insiste-t-elle. C'est indispensable si l'on en juge par le nombre et les besoins des malades. «Nous avons jusqu'à 600 malades cancéreux de Djelfa et d'autres wilayas. Leurs besoins en produits de chimiothérapie sont estimés à 14 milliards de centimes cette année»,rapporte le directeur par intérim, Mohamed Belaïtar. Revenant au problème de l'espace, la responsable de l'unité d'oncologie nous montre un appareil acquis récemment pour une somme importante sans qu'il soit mis en service faute justement d'espace : «Cette hotte sert à protéger le personnel des produits nocifs de chimiothérapie. Elle coûte très cher. Malheureusement, depuis que nous l'avons achetée, elle n'a pas été utilisée une seule fois. Elle doit être placée dans une salle fermée, sans fenêtre et sans aucune ouverture. Nous ne l'avons pas.» En attendant, la hotte est abandonnée dans un couloir. Dans le service de réanimation, il n'y a qu'une seule réanimatrice. «Je suis déprimée», lance-t-elle. Cette femme assure le travail toute seule depuis près de sept ans. «Aujourd'hui, affirme-t-elle, je n'en peux plus. Il faut qu'il y ait d'autres médecins réanimateurs. Au moins trois.» Elle raconte qu'elle ne travaille pas seulement la journée mais qu'elle a plusieurs fois été appelée à exercer en nocturne : «On m'appelle même la nuit et je ne refuse jamais. Je laisse mes enfants et je réponds présent», dit-elle désarmée. Quand elle n'est pas dans le service, c'est le médecin généraliste qui assure le travail de réanimateur. Une véritable gymnastique ! Les premiers responsables de l'hôpital sont au courant de ce problème. Ceux de la direction de la santé de la wilaya aussi. «Les médecins réanimateurs préfèrent rester à Alger», dit un médecin, qui déplore cette situation. «Les médecins réanimateurs, les médecins légistes, les radiologues et les oncologues se font rares. On n'en forme pas assez. De plus, il y a la concurrence du privé... On nous a promis d'envoyer d'autres mais on attend encore», affirme de son côté Khaled Chibane, le directeur de la santé de la wilaya. Un nouveau service de réanimation est en cours de réalisation à l'intérieur même de l'hôpital (C'est un ancien service de dialyse qui fait l'objet de nouveaux aménagements). Peut-être qu'avec l'ouverture de la nouvelle infrastructure, le souhait de la jeune femme sera enfin exaucé. Au service de chirurgie générale, aux pavillons femmes et hommes, le personnel est également dépassé par la charge de travail. La ville de Djelfa est très grande. Il y a 400 000 à 500 000 habitants. De plus, on nous envoie des malades de partout…» souligne le chef de service. Là aussi le besoin en agents paramédicaux est assez important, d'autant que des anciens ont été appelés à assurer le fonctionnement du service des urgences médicochirurgicales (UMC) ouvert récemment à l'extérieur de l'hôpital. Outre le manque des paramédicaux, un médecin chirurgien parle de déficit en anesthésistes : «Nous ne disposons que de 14 anesthésistes alors que nous en avons besoin d'au moins 20.» Pour faire face à la demande croissante de la population, un hôpital de 240 lits est en cours de réalisation à Djelfa. Cet hôpital devra abriter un grand service de chirurgie générale. Toutefois, même si cette nouvelle est rassurante, les médecins et autres personnels de la santé s'inquiètent : «Ils vont nous prendre le peu de paramédicaux dont nous disposons actuellement.» Le service d'hémodialyse offre de meilleures conditions de travail. Il est plus spacieux et mieux équipé en matériels. C'est une construction nouvelle au sein même de l'hôpital. 120 malades y sont inscrits pour leurs séances de dialyse. Ces malades ne se plaignent pas des conditions de leur prise en charge mais les médecins et les infirmiers expriment un certain malaise. Ils citent particulièrement le manque flagrant en néphrologues : «Nous n'avons qu'une seule néphrologue et même celle-ci va bientôt partir.» K. M.
Le nouveau service UMC, un bijou Un nouveau service des urgences médico-chirurgicales (UMC) a été ouvert à Djelfa depuis le mois d'avril 2009. Il se trouve à quelques centaines de mètres de l'EPH. Vu de l'extérieur, on l'aurait pris pour une banque… ou une entreprise économique privée qui se serait installée récemment dans la région. L'intérieur est encore plus fascinant avec un décor joyeux, des téléviseurs à grand écran… et une propreté que l'on trouve rarement dans ce genre d'établissements publics. Le service dispose de deux blocs opératoires, d'un laboratoire d'analyses médicales, d'une unité de radiologie, de chambres à deux lits pour les malades hospitalisés… et des équipements de dernière génération. C'est une construction à 100% locale : «Ce sont des gens de Djelfa qui l'ont bâtie», affirme fièrement le directeur de la santé et de la population, le Dr Khaled Chibane. Le complexe mère/enfant prend forme Le chantier est en marche. Il sera réceptionné dans les délais. C'est un projet grandiose qui promet beaucoup pour les habitants, grâce notamment à l'aide des coopérants cubains, installés dans la région dans le cadre du programme mère/enfant. Une coopération qui a donné de très bons résultats sur le terrain. «Il y a eu un seul décès en 2009, soit un taux de 0,01 pour 100 000 femmes», indique M. Khaled Chibane au sujet du taux de mortalité maternelle. Ce taux était de 58 pour 100 000 femmes en 2008. Concernant la mortalité infantile, elle était de 32 pour 1 000 enfants durant l'année 2008. Ce chiffre est descendu à 19 pour 1 000 en 2009. La moyenne nationale est de 29 pour 1 000. Un CHU à Djelfa, pourquoi pas ? Le DSP de Djelfa vise loin. Fière d'avoir réussi à amener un grand nombre de médecins spécialistes dans la wilaya et doté les hôpitaux et polycliniques existants en équipements de haute technologie et d'en réaliser d'autres, M. Khaled Chibane ambitionne d'ouvrir un grand CHU à Djelfa. Ce n'est pas un rêve mais un projet pour lequel il compte engager des discussions sérieuses avec les concernés et les différents partenaires. Les besoins grandissants de la population locale et celle des régions voisines –même celles du nord- donnent plus de force à cette idée naissante.