La citadelle dans sa blancheur se tient debout face aux défis imposés par les intrusions urbaines et l'introduction du béton. Dans son plus beau combat contre l'aculturation, la revoilà revigorée dans tous ses atours. Aussi, pour étudier les maisons urbaines, aventurons-nous dans "la Montagne" (ej-jbel). C'est ainsi que les habitants d'Alger nomment ce quartier que les Européens désignaient sous l'appellation très impropre de "La Casbah", confondant la ville haute avec la forteresse qui la couronne. Il est trop tard pour pousser notre exploration dans "la Plaine" (el-outa). Ce quartier de la Marine où les banques et les palaces doivent, à la faveur d'une chirurgie audacieuse, et quand le fer et le ciment seront plus accessibles, remplacer les vieilles demeures des patrons corsaires : Bien que l'exode des anciennes familles et l'envahissement de leurs logis par une population rurale, qu'attirait l'espoir d'une vie meilleure, aient gravement modifié l'âme de la cité, le cadre, subsiste à peu près intact. Et on peut, du moins, le restituer avec quelque effort d'imagination. De même que, dans Paris, les nobles hôtels du Marais survivaient à l'invasion de la petite industrie, la transformation de l'Alger barbaresque en un quartier d'habitations ouvrières n'a irrémédiablement compromis, ni le pittoresque des façades, ni l'élégance et la logique des aménagements intérieurs. Façade et ordonnance du plan sont, au reste inséparables. Cette architecture privée est une des plus loyales que l'on puisse concevoir. Rien n'y est sacrifié à un vain besoin de symétrie, et le pittoresque n'y est que l'expression de l'utile. En regardant la maison de la rue, on peut connaître la distribution de ses différents étages. En survolant les terrasses ou en les contemplant d'une hauteur voisine, on saisit d'un regard la juxtaposition et l'ampleur des chambres. Une promenade à travers la haute ville laisse dans le souvenir une image que les vieilles lithographies ont popularisée : celle de rues étroites bordées de maisons aux fenêtres rares, dont les étages supérieurs se projettent au-dessus du rez-de-chaussée, appuyant sur des rondins obliques le bout de leurs poutrelles qui émergent du mur. Parfois, les deux demeures qui se font face s'avancent nez à nez et le ciel n'apparait plus entre elles que comme une mince lame lumineuse. D'autres fois, l'une d'elle enjambait la rue entière, qui devient un passage couvert, asile d'ombre et de fraîcheur.