La Casbah se réveille peu à peu de sa torpeur, les processions hippomobiles sont à pied d'œuvre chaque matin, pour nettoyer les ruelles et transporter les déchets vers les décharges publiques. Les vieilles maisons soumises aux grands travaux de réfection dévoilent leur nouveau profil dans le plus pur style mauresque. Un travail titanesque accompli dans un rythme de fourmi pour éviter de travestir certains lieux à valeur culturelle. L'une des plus belles artères de la rue Sidi Abdellah, continue de couler des jours heureux, avec ses légendaires boutiques en contre bas de l'artère. On y revient souvent pour chercher les abats. Ou pour déguster du foie braisé. La seule boucherie existante sur le flanc gauche de la rue demeure un morceau d'anthologie pour les anciens. Ce fut la première boutique créée par un gars de M'tilili. Les Chaâmbas avaient le monopole des viandes. Ils avaient même la mainmise sur le transport hippomobile pour l'assainissement de la ville. Dans l'ancien Sabat avoisinant l'impasse des Druzes, existait une écurie pour baudets pour la vente de la chaux. Sur les hauteurs de la Casbah, à Bab Ej Djedid, le grand terminal pour mulets pour le transport de déchets. La médina ne battait qu'au rythme processionnel de ces bêtes de somme. Même pour les déménagements, on faisait appel au maître muletier pour vous accompagner dans votre nouvelle demeure. Ces bêtes se relayaient nuit et jour pour veiller sur la salubrité des habitants. Le transport d'un malade ou de vieilles personnes se faisait à dos d'âne. Pour corser le tout, il y avait même une diligence aux abords du marché Randon, pour les périples de banlieue jusqu'à Blida même. On reconnaît à la topographie de la Casbah, cette complexité à accueillir les transports urbains. Les baudets ont de beaux restes à faire valoir qu'on ne saurait détacher de leurs précieux services. Même qu'Alphonse Daudet eut le coup de foudre pour ces « mustangs » de la Casbah. Leur force de pénétration à travers les étroits dédales de la citadelle relève d'une forte maîtrise. Il y en avait pour tous les types de transport. L'hiver venu, les convois de mulets transportant le charbon de bois dévaler les ruelles pour aller atterrir chez les charbonniers et réchauffer les bainmaures ou les fours de boulangerie. On les appelle les bêtes savantes, dans un élan de solidarité qui se confond avec la dimension humanitaire. On peut dores et déjà, les classer dans la catégorie « hauts faits d'armes » pour avoir même participé au camouflage de transport d'armes pendant la révolution.