Comme il plait tant à le faire, toute sa vie durant, il s'en est allé l'ami sur la pointe des pieds comme pour s'excuser d'une présence rendue inutile dans un monde qui n'est plus le sien. Mohamed n'a pas seulement souffert de l'innommable qui l'a longtemps accompagné et qu'il a combattu à force de ténacité, de courage et de résistance dans la plus dure des épreuves. Du haut de son demi-siècle de professionnalisme, accompli à l'aube de l'indépendance, le pionnier du journalisme à l'algérienne est de cette race des seigneurs qui ont tout donné à la presse nationale héritant sans jamais faillir des plus belles vertus d'engagement et de convictions malheureusement terrassées, aujourd'hui, par la dérive mercantiliste et la culture du gain dans un paysage intellectuellement appauvri et professionnellement totalement structuré. La mort du journalisme de combat a été la tombe de la génération dorée de l'âge d'or révélée dans les écrans de la télévision, à l'agence de presse et dans les colonnes épiques d'El Djeîch, d'El-Moudjahid, de Révaf et d'Algérie-Actualité. Ils ont porté haut le rêve de l'Algérie indépendante et conquérante pour finir dans la désillusion de la «décennie noire» et les années sombres de la folie génocidaire. Mohamed a été de tous les titres et de tous les combats. L'étudiant fraîchement émoulu de la première promotion de l'école de journalisme a fait ses premiers pas à El Djeîch des grands noms de la presse nationale et aiguisé ses armes en monstre sacré de l'économie, aux côtés de son ami de toujours Ahmed Belaïd (Que Dieu ait pitié de son âme) et de l'incontournable Omar Belhouchet (Que Dieu lui prête vie ) à El Moudj, puis à Révaf où il a officié, de 85 à 89, en tant que chef de département et en directeur de rédaction. Dans ce parcours brillant, cumulé à la tête de l'APS, l'un des pionniers de la presse indépendante est une personnalité marquante : modeste sans être complaisant, austère sans être sévère, coopératif sans concession aucune. L'alchimie réussie du journaliste de qualité et du responsable hautement qualifié, partageant les moments de brouilles passagères propres au métier et l'esprit de famille immaculé, travaillait à l'ancrage de la rigueur professionnelle et à la production intellectuelle de grande voltige. A Révaf, les «tables rondes» de Mohamed Hamdi font autorité et les comités de rédactions paritaires, associant bien évidemment les journalistes dans le débat général et la confection du menu, est son modus operandi nostalgique. Son style est sans fioritures. Pas un mot de plus, ni une virgule de moins. Il fallait batailler dur et négocier à la tâche la tentation incontrôlée et capricieuse du journalisme débridé. L'homme qui a défié les « barbéfélènes », dans un célèbre éditorial, est la personnification de l'exigence de qualité, de la maîtrise et du savoir-faire professionnel qui a tant servi à la génération future. Au crépuscule de sa vie, son long passage à l'ADE (Agence des eaux) a privé la profession, en rupture de repères, de tout un capital d'expérience et des compétences sûres à l'agonie ou remisé au placard de l'histoire. Nos profonds respects et mille fois merci, Mohamed. Adieu l'ami.