Il y a une vingtaine d'années, Flora Awchems s'est lancée dans une carrière d'artiste avec pour ambition de faire revivre le chant ancestral en s'abreuvant aux sources profondes de notre patrimoine culturel. Ses objectifs ne sont pas tournés vers une carrière de vedette de la chanson avec la gloire que cela entraîne mais, beaucoup plus modestement, vers la satisfaction et la joie de contribuer à la renaissance et à la préservation d'un précieux héritage, constituant un élément intrinsèque de notre identité. Déjà, en adoptant ce prénom si évocateur de Flora, c'est l'action de faire revivre au présent l'adoration qu'avait nos ancêtres pour le culte de la nature. Ce monde végétal est d'abord nourricier, méritant tous les égards et les servitudes. Il est aussi un embellissement de l'existence avec son univers enchanteur des fleurs. La nature est donc le support de la nourriture du corps, elle est également celui de l'âme et du cœur par sa poésie. Ce sont ces éléments que la personne de Flora affectionne et qu'elle veut exprimer par l'exercice de l'art. Elle veut d'abord faire renaître les belles traditions du passé. Justement à propos de la nature, elle propose la célébration par tous, de l'arrivée du printemps, comme nos aïeux savent si bien le faire. Cette tradition du, Amenzu Nàrvi', qui existait partout dans le Maghreb, se perd hélas. Elle reste fêtée avec chaleur et ferveur presque uniquement dans la région de Sétif où son anniversaire est encore régulièrement marqué. Cette tradition apporte tellement de joie et son effet est tellement unificateur. Flora ranime encore ces traditions et coutumes en se référant à l'art vestimentaire. Elle s'érige elle-même en exemple. D'un costume simple des régions de Kabylie, elle en reprend la couture et les accessoires ; en le travaillant avec patience, raffinement et un goût exemplaire. Elle en réalise un chef d'œuvre d'élégance et surtout une pièce rare où s'inscrit, par le jeu subtil des combinaisons, le long et riche parcours du génie et de la création artistique des habitants de ce pays. Flora n'hésite pas à porter cet extraordinaire costume dans les récitals où elle est invitée à se produire. C'est qu'elle veut traduire aussi par le chant cet attachement à la renaissance de la culture ancestrale. Avec une voix pure, mélodieuse et extrêmement juste, elle reprend les mélodies du passé. Elle redonne vie à ces chants que fredonnaient dans le temps lointain, les femmes à l'intérieur de leur foyer. C'était pour les aider dans les travaux ménagers ou à bercer leurs enfants. C'était aussi pour les encourager dans les travaux des champs. C'était également pour accompagner les cérémonies familiales, les fêtes ou les moments de détresse. La voix de Flora est sublime pour reconstituer ces états d'âme. Aujourd'hui, elle est tellement exercée à cet art du chant qu'elle est en mesure de créer une oeuvre chantée en l'adaptant aux circonstances présentes. Elle en compose la musique, dans le respect de l'authenticité de ce genre ancestrale et en écrit elle même le texte, un vrai poème. Elle interprète son œuvre avec un engagement et un talent rare. «Dans mon parcours artistique, je suis les traces entre autres, de la célèbre chanteuse Taous Amrouche qui a ravi les coeurs et les âmes par la consistance émotive de ses chants» aime à dire Flora. Elle rend hommage à cette artiste qui a bravé sa société pour se consacrer à l'art et cela dans le strict respect des valeurs morales et des vertus de la famille… «Il est très difficile et même risqué pour les femmes, dans nos sociétés conservatrices, de choisir un métier d'artiste. Les préjugés sont tenaces», justifie Flora. Elle même a dû se battre pendant de longues années avec sa propre famille pour pouvoir exercer le chant. Elle se solidarise pleinement et se place dans cet esprit, avec les artistes femmes qui l'ont précédées à l'image de Chérifa, Nouara, Hanifa. Elle reprend à sa manière propre et originale des titres chantés par ces divas de la chanson. Flora reformule même, selon sa personnalité, d'autres titres demeurés célèbres mais chantés par des hommes à l'image de Slimane Azem ou d'El Hasnaoui. Aujourd'hui, Flora consacre aussi un pan de son métier à l'éducation de l'enfance, génération de demain. Elle participe avec un groupe de femmes conteuses à des spectacles pour enfants. Elle introduit le chant en tant qu'illustration au récit. Par cette voie, elle compte participer, par le biais de la jeunesse à faire perpétuer dans notre société nos belles valeurs culturelles pour lesquelles elle consacre, par l'art, le meilleur d'elle même.