Ali Tounsi, comme tous ceux qui étaient engagés dans la guerre de libération nationale, avait un nom de guerre. Ceux qui connaissent son parcours continuaient à l'appeler El Ghaouti. Il n'était pas le seul homme de la famille à militer pour l'indépendance de l'Algérie. Son frère Mustapha fut également un officier de la wilaya IV et tout récemment il avait publié des mémoires intitulées «Il était une fois la wilaya 4». Ali Tounsi a fait partie de ces hommes qui bien avant l'avènement de l'indépendance songeaient à doter le pays de structures solides et pérennes. Il y a quelques mois, il avait évoqué en public ce passé pour souligner que le Moudjahid n'était pas quelqu'un qui pouvait fuir ses responsabilités. Officier des services de renseignements militaires, il a été propulsé à l'avant scène à un moment où le pays était confronté à une vague de violence sans précédent. La tâche requérait un engagement et un courage sans faille. A sa nomination en mars 1995 à la tête de la Sûreté nationale, les policiers étaient victimes d'attentats quasi quotidiens même dans les cités urbaines. A la tête de la DGSN, il a permis de donner plus de stabilité et d'efficacité à un corps essentiel de sécurité. Il fallait s'adapter, mettre en œuvre de nouvelles méthodes, créer de nouvelles structures qui pouvaient affronter à la fois le terrorisme et le banditisme qui prenait de l'ampleur. Ali Tounsi a pu réduire dans de grandes proportions la nocivité du premier et contenir le second. La police nationale s'est dotée de moyens humains et matériels conséquents pour affronter les nouvelles formes de banditisme que seule la maîtrise des nouvelles technologies peut détecter et contrecarrer. Il avait à cœur d'achever les programmes de mise en place des caméras de surveillance et d'équiper les laboratoires de recherche. En quelques années, il a pu grâce au recrutement massif d'agents de l'ordre et de milliers d'universitaires acculer les ennemis du pays à la défensive. Il a eu l'intuition de rapprocher et d'ouvrir la police aux citoyens. Des commissariats de proximité ont essaimé dans divers quartiers renforçant ainsi ce lien entre les agents chargé de la sécurité publique et les citoyens. Ces derniers ont fini par comprendre que la sécurité est une affaire qui concerne tout le monde à l'ère où l'impératif sécuritaire est devenu partout une hantise. Le défunt n'a cessé en inaugurant de multiples structures de proximité de mettre en valeur l'urgence de rétablir ce lien entre l'habitant et le policier qui veille d'abord à la sécurité des autres. Ali Tounsi a été également le promoteur d'une nouvelle politique de recrutement qui a ciblé les femmes dont le nombre dépasse désormais 10.000 à différents niveaux de responsabilités. Dans une société où les préjugés sont encore profondément ancrés, ce choix confortait son option pour une société qui vivrait sa religion sans manifestation d'extrémisme. La lutte contre l'intégrisme sur laquelle il n'a jamais tergiversé n'était qu'affaire de discours. Atteindre les normes de sécurité universelles, il n'avait de cesse de mettre en avant ce concept tant dans notre monde, sans un appareil sécuritaire fort et efficace, l'Etat de droit restera longtemps une chimère.