Par-delà la manipulation et les mensonges de l'administration républicaine, vantant les mérites de la démocratisation et de l'opération « Free Iraq », le visage réel de l'invasion barbare traduit la stratégie de démembrement de l'Etat national qui implose sous l'effet de la bombe confessionnelle et communautaire. Et, même si le Premier ministre irakien, El Maliki rêve de la liste unifiée, en dépassement des clivages religieux et ethniques, dans la perspective des législatives de janvier 2010, la réalité de terrain ne se départit guère de la spirale de violence incessante. Sur fond de polémique et de rivalités inter-ethniques, la violence impose une logique d'exclusion à coups d'attentats ravageant le petit village de Khaznah (28 morts, 155 blessés, destruction de 35 maisons), ciblant la communauté kurdophone des Yazidis et le représentant kurde au conseil provincial de Ninive, la région contestée. « Nous regrettons de voir les dirigeants de la liste d'E-Hadba (sunnite) s'opposer au principe de la démocratie et de la coexistence pacifique en accusant la région du Kurdistan d'être partie prenante des attaques terroristes à Ninive, a affirmé un porte-parole du gouvernement autonome. Le torchon brûle entre les Yazidis et les Chabacks, les turcomans et les chrétiens. L'enjeu reste le rattachement d'une partie de Ninive. D'ailleurs dans une édition, le quotidien du PDK, El Attaacki, a cité, une personnalité religieuse influente, le mollah Selim Joumaâ, dans laquelle il assure que les Peshmergas veulent instaurer le contrôle des 52 villages, en mettant 12 gardes par village, pour « les protéger des attaques terroristes ». Autre difficulté majeure : l'incapacité de l'Etat fédéral de garantir la tenue du recensement reporté sine die. Traditionnellement organisée tous les 10 ans, à l'exception de 1997 excluant les Kurdes et de 2007 en raison des violences confessionnelles, l'opération « techniquement prête » a buté sur les « réserves » des partis politiques de Ninive et de Kirkouk. Elle est d'une sensibilité extrême dès lors qu'elle permet la maîtrise des données cartographiques et l'identification du profil socio-démographique de la population proche de 30 millions, selon l'ONU, du Nord (Kurdistan) au sud (littoral), en passant par Baghdad. En équilibre précaire, le « nouvel Irak » cher à Bush offre le visage d'un pays en ruines et menacé de désintégration totale. Héritant lors de la première guerre du Kurdistan autonome, imposée à la faveur de l'implantation des « régions d'exclusion », et, lors de la seconde guerre de conquête, d'un Etat fédéral de fait, fondés sur les antagonismes confessionnels chiites et sunnites, l'Irak des divisions impériales est la victime historique des nouveaux conquérants à alibi démocratique et humanitaire. De quelle démocratie peut-il s'agir en l'absence de toute consultation populaire et du libre choix du peuple irakien auquel il a été préféré le langage des armes et de la domination sans contestation ? Tel est le drame de l'Irak faussement présenté en modèle de démocratie pour toute la région collectivement démissionnaire en parfait « homme malade » du siècle de l'empire américain. La leçon saura-t-elle être retenue définitivement ?