Saïd Haddar a plusieurs cordes à son arc. Il est à la fois enseignant, comédien de théâtre, interprète de la chanson kabyle engagée. Il fait «irruption» en 1968, dans le monde du 4e art d'une façon inopinée, en campant un rôle dans une pièce de théâtre. Depuis, Saïd Haddar a troqué sa blouse blanche d'enseignant pour une carrière de comédien. Karim «le généreux», surnom artistique que Kateb Yacine lui donne, a évolué aux côtés du comédien Mahfoud Lakroum et du musicien Smaïn HebbarCet artiste parle de sa rencontre avec Kateb Yacine au «Théâtre de la mer» à Bab El-Oued, pour le suivre ensuite à Sidi Bel-Abbès. Il évoque cette période d'enthousiasme révolutionnaire qui a permis au père de «Nedjma» d'écrire et de monter ses plus belles œuvres théâtrales. Kateb Yacine, dit Saïd Haddar est : «Un exemple des plus significatifs de la vénération d'un homme pour sa patrie. L'homme, le patriote, le passionné, un cumul que seule la jonction d'un esprit innovateur et une âme artiste peuvent rallier. Pour moi, Kateb Yacine constitue une école. Il m'a appris à connaître la vie». Il se souvient : «Kateb Yacine dans sa vie, a toujours été simple et modeste. Il n'aimait pas trop parler. Il aimait par contre observer. Il adorait l'échange, le partage. Il vénérait sa maman. Il respectait son épouse. Il était assoiffé de liberté. Il avait la chance de pouvoir étudier, une possibilité rare pour nous, d'étudier sous le joug colonial. Il apprend ainsi la langue française avec les valeurs universelles qui lui ont été véhiculées et transmises par les penseurs et intellectuels de cette langue. Son arme devient la plume. C'est sa manière de lutter et de combattre pour la liberté de l'Algérie». Karim «Le généreux» poursuit : «Après l'Indépendance, il a continué son combat pour la liberté d'autres peuples opprimés. Son œuvre, «les sandales de caoutchouc» portée sur la scène du théâtre a été un hommage sans limite à cet héros de la révolution vietnamienne, Hochiminh. Il a ensuite pris la tête du théâtre régional de Sidi Bel Abbés, contribuant ainsi par cet art dans la création littéraire. Saïd Haddar a joué en 1971 dans la pièce «Mohamed, prends ta valise». Une pièce qui a sillonné plusieurs régions du pays et a eu des échos remarquablement favorables. Ce qui n'est pas le cas du corps politique qui a exigé pour Kateb Yacine d'arrêter la diffusion de cette pièce». Saïd Haddar a, par ailleurs longuement évoqué l'expérience théâtrale de l'auteur de Nedjma, «qui a toujours cherché à donner naissance à un théâtre populaire, entretenant des relations très étroites avec les couches populaires», affirme-t-il en précisant que Kateb Yacine voulait à tout prix toucher un public de travailleurs et de jeunes. A travers son expérience dans le «Théâtre de la mer», son passage au théâtre régional de Sidi Bel Abbés puis au travers de l'action culturelle des travailleurs, ce célèbre homme de culture s'inspirait du conte populaire. Kateb Yacine construisait son texte théâtral en utilisant la musique, les sons, le chant, les chœurs et autres masques qui font la richesse du spectacle théâtral qu'il nous a proposé. «J'ai appris le théâtre grâce à Kateb Yacine. Il nous a enseigné qu'il n'y a pas de petit ou de grand rôle. Le plus important pour lui était le verbe». Saïd Haddar a voulu mettre en exergue d'autres facettes humaines de l'auteur du «Le Polygone étoilé». «Kateb Yacine entretenait aussi des rapports amicaux avec les artistes peintres particulièrement M'hamed Issiakhem». Il décrit «Ils étaient dans la plupart du temps ensemble. Ils débattaient d'une façon poétique diverses thématiques, que je ne comprenais pas. Chacun avait des idées à défendre où souvent, ils n'étaient pas d'accord mais cela ne les a pas empêché d'être les meilleurs amis». Saïd Haddar a, dernièrement crée une troupe musicale qu'il baptise «mai 1945». Il compte faire sortir un opus où il chante les textes de Kateb Yacine, H'nifa et de Ben Mohamed. Il participera pour le compte du théâtre régional de Bejaïa dans une pièce de théâtre intitulée «Le pain amer».