Photo : Makine F. Quoique obligatoire, la Cat-Nat, depuis 2003, ne suscite pas l'engouement de souscripteurs. Les responsables du secteur renvoient cela à diverses raisons. Ils relèvent essentiellement du manque de conscience, du poids du religieux dans notre société qui croit au destin. Seuls 10% de logements sont assurés contre ce type de catastrophe. Pourtant, en termes de coût, l'assurance Cat-nat ne représente qu'entre 4 et 5 DA/jour pour une couverture annuelle. Toutes les compagnies d'assurances, publiques ou privées, reconnaissent que « beaucoup reste à faire». Rassemblées autour du CNA, elles cherchent, à chaque occasion, de trouver des formules pour rendre la souscription à la Cat-Nat semblable à celle de la branche auto qui se place en tête des polices d'assurances avec un taux de 42,9%. La Cat-nat reste, jusqu'à présent, marginalisée. Elle n'est vérifiable qu'à l'occasion d'un acte notarié de transaction immobilière ou lors de la remise des bilans fiscaux. Comment renverser la vapeur et remédier à la situation ? Les acteurs du marché des assurances comptent remédier à la situation. Ils comptent changer de stratégie. Le projet de l'ouverture de l'Ecole nationale des assurances (ENASS) en septembre prochain, est une preuve valable de la volonté et de l'intérêt que comptent porter les parties concernées pour le secteur des assurances. La formation est indissociable de toute stratégie d'entreprise. Elle constitue le pilier de son développement. On commence par une question traditionnelle : pouvez-vous nous présenter le CNA et quel est son rôle dans le marché des assurances ? Le Conseil national des assurances a été créé en 1997. Il représente un lieu de concertation où tous les acteurs du marché peuvent se réunir et se concerter sur toutes les questions liées au marché des assurances. Il rassemble donc les assureurs, les assurés et l'administration du contrôle. Il a pour rôle d'émettre un avis à la demande des pouvoirs publics ou à la demande des assureurs ou à la demande des autres parties de ce marché, sur toute question qui a un lien direct ou indirect sur le secteur des assurances. Il peut également à son initiative proposer à des pouvoirs publics, que ce soit sur le plan législatif (proposition de texte) ou proprement technique, c'est-à-dire lié à l'activité des assureurs. Le marché des assurances en Algérie demeure adossé essentiellement aux assurances obligatoires, en général, et à celles de produits non vie, en particulier. Or, dans les pays développés, l'industrie des assurances est puissante. Pourquoi ce décalage ? Effectivement, la situation actuelle n'est pas trop reluisante. Oui, l'essentiel de la production du secteur est adossé aux assurances obligatoires et particulièrement à la branche automobile. Les assurances de personnes sont appelées à connaître les premières phases d'évolution très prochainement en séparant carrément les assurances de dommage à celle des assurances des personnes. Même dans l'obligatoire, il y a matière à discussion, car effectivement dans les assurances obligatoires, la plus grande part revient à la branche automobile or, si on prend par exemple les assurances Cat-nat qui sont bel et bien obligatoires depuis 2003, on a un taux de souscription très faible. Pourquoi justement ? D'abord, il y a la question de la vérification de l'application de cette obligation. Si dans le cas de l'automobile la vérification est aisée : on circule et on croise souvent les représentants des services de sécurité et à tout moment on peut être interpellé pour vérification de la souscription de l'automobile. Alors que l'assurance Cat-nat, de par son caractère obligatoire, n'est soumise à contrôle que dans quelques cas très précis, comme par exemple la transaction immobilière où le notaire exige la présentation de ce document d'assurance et éventuellement lors de la demande des bilans fiscaux, on demande cette souscription obligatoire. Ce manque d'engouement est dû à l'absence de culture d'assurance. L'Algérien perçoit généralement ce geste de souscription d'assurance comme une taxe supplémentaire qui vient bousculer les charges quotidiennes. Mais ce n'est pas une raison suffisante. Il va falloir donc mener tout un travail. Ce travail doit être fait par toutes les parties concernées intervenant d'une manière directe ou indirecte dans le marché des assurances. Les assureurs, les assurés et les pouvoirs publics ont tous leur part de responsabilité. On dit souvent que le facteur religieux constitue un frein, mais dans une certaine proportion. Cette réticence a peut-être d'autres explications … En effet, si on présente un produit au citoyen algérien où on relate les points positifs de ce produit en lui expliquant qu'il trouvera tous les intérêts pour la préservation de ses biens. Qui dit préservation de ses biens, on pense directement aux assurances catastrophes naturelles et on pense irrémédiablement à son habitation. Si on lui explique qu'en souscrivant à cette taxe, on met à l'abri notre famille, je pense qu'il est ouvert à ce genre de proposition et qu'il pourra adhérer à cette culture. Certes, on ne s'inscrit pas en un clin d'œil, on doit mettre en place toute une procédure et toute une stratégie. L'assurance Cat-nat est obligatoire depuis 7 ans, mais sur le terrain nous remarquons que le citoyen s'en passe de ce produit malgré son caractère obligatoire Le citoyen s'imagine qu'on va encore le pénaliser, encore une fois, en lui demandant de payer une prime d'assurance. Or, dans notre quotidien lorsqu'on veut faire des courses chez l'épicier du coin, on est confronté au problème de la monnaie. Généralement le client algérien cède au vendeur 2 à 3 DA et la Cat-nat revient à 4 ou 5 DA/jour, c'est moins que le prix d'une cigarette. Je crois qu'elle est à la portée de tout propriétaire d'une maison. On revient au problème de l'indemnisation. Plusieurs personnes dénoncent les lenteurs dans les délais de remboursement des sinistres. Pour certains, les délais ont dépassé deux années. La véritable concordance entre les compagnies d'assurance est pour quand ? Le problème des indemnisations se pose depuis quelques années. C'est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer, d'ailleurs même les assureurs sont très conscients. Je pense qu'il est de notre devoir, par acquis de conscience et d'honnêteté, de dire qu'on ne doit pas rejeter tout le temps la balle aux assureurs qui ne sont pas uniquement les seuls responsables de ces retards dans les indemnisations. Il y a eu quelques années des efforts qui ont été consentis et où les délais de remboursement des indemnisations ont été réduits. Certes, ce ne sont pas des résultats attendus et espérés par les assurés mais, je pense qu'il faut juste laisser le temps nécessaire aux assureurs de se mettre à niveau en matière de système d'information et de collecte d'information. Mais il faut reconnaître que ces délais ont été quand même réduits. En 2009, il y a eu des accords interentreprises. A titre d'exemple, entre deux compagnies les accords ont atteint 15 000 dossiers. Cet accord est reconduit pour l'année en cours, et nous comptons atteindre le règlement de 30 000 dossiers. De l'autre côté, il faut comprendre également l'assuré. Il est tout à fait normal qu'il reçoive au retour et dans les plus brefs délais quelque chose contre la prime qu'il a payée. Le secteur des assurances compte désormais mieux accompagner le secteur agricole en lançant prochainement un nouveau produit devant couvrir les risques des calamités agricoles. Est-ce que le produit est lancé ? Est-il obligatoire ? En concertation avec le ministère de l'Agriculture et du ministère des Finances, les assureurs et les réassureurs nationaux, le CNA veut mettre en place, non pas un produit spécifique mais un dispositif des assurances des calamités agricoles. Ce dispositif œuvrera dans un cadre légal qui va réduire les coûts des assurances pour beaucoup de compagnies du secteur agricole. Nous allons lancer très prochainement des débats autour et le travail de l'élaboration des textes de ce dispositif. Nous avons opté pour un système qui n'est pas obligatoire mais plutôt pour un système qui responsabiliserait l'agriculteur lui-même. Ce dispositif prévoit une adhésion volontaire de l'agriculteur et également où l'Etat pourrait éventuellement apporter son soutien par le biais d'une subvention à condition que l'agriculteur adhère au dispositif, qu'il soit responsable puisqu'il contracte un minimum d'assurance. La subvention interviendrait dans un cadre de contrat global. Une partie sera à la charge des agriculteurs (habitation, matériel roulant) l'autre partie, les aléas de la nature seront assurés par l'Etat. Le 5 mars dernier, avec la participation des compagnies d'assurances, l'Ecole nationale des assurances (ENASS) a ouvert ses portes. Peut-on connaître un peu plus sur cette école ? Les assureurs sont très conscients de leurs rôles et des responsabilités qui pèsent sur eux, voulant justement développer l'aspect managérial, celui de la prise en charge de la clientèle. Ils ont constaté qu'il y avait un léger déficit en matière de formation de la ressource humaine qui active dans le secteur des assurances. L'idée avait jailli il y a déjà quelques années pour prendre en charge cette ressource humaine et compléter sa formation par des modules très spécifiques. Non seulement du point de vue technique d'assurance mais en matière de techniques de communication, de marketing. Le projet de l'école a été initié par un certain nombre de compagnies. La formation débutera en septembre 2010. Le 5 mars, un protocole d'accord avait été signé avec la partie française et qui assurera une partie dans l'enseignement et le financement dans ce projet. Pour ce qui est du bilan de 2009 des compagnies d'assurance, est-il en hausse ou en baisse par rapport à celui de 2008 ? Peut-on avoir des chiffres ? En attendant d'avoir les chiffres définitifs de 2009, le bilan des 3 premiers trimestres de la même année, on constate un taux moyen d'évolution annuel de 15%. 2009 a connu une évolution positive de plus de 11% de la production et pour la première fois que nous enregistrons près de 76 milliards de dinars, soit un milliards de dollars. Au 30 septembre 2009, le chiffre d'affaires cumulé du secteur a atteint la somme de 57,4 milliards de dinars contre 51,5 milliards de dinars à la même période en 2008, soit une augmentation de 11,5%.