Entre Khartoum et l'opposition les temps sont aux suspicions et accusations. Le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), le groupe rebelle du Darfour, qui a engagé depuis des mois des pourparlers de paix avec le gouvernement, signé même en février dernier à Doha un cessez-le-feu doublé d'un accord politique devant déboucher sur une paix durable avant le 15 mars dernier, menace de reprendre les armes. «Si le gouvernement veut sérieusement parvenir à la paix, nous sommes prêts. Mais si nous ne parvenons pas à la paix, notre position est connue et notre but est de changer le régime. Donc, soit c'est une paix juste et globale, soit nous poursuivons notre projet de changement de régime» déclare Khalil Ibrahim, convaincu que le gouvernement avec lequel son mouvement négocie se tient prêt à la guerre, pas à la paix». Il a violé «plusieurs fois» l'accord de Doha dit-il. «C'est faux» lui réplique Amin Hassan Omar, le chef de la délégation soudanaise à Doha, déplorant le manque de «sérieux» des représentants du JEM dans les pourparlers. Selon lui, Khartoum s'était toutefois engagé «à obtenir un accord d'ici le 5 avril» et le JEM, malgré ses promesses à Doha en février dernier, n'a pas libéré les prisonniers. Selon des analystes, ces «accusations» cacheraient un autre différent : la date des élections nationales - législatives, régionales et présidentielle - prévues du 11 au 13 avril, les premières depuis 1986. Le JEM est passé du souhait à l'exigence du report de cette date «jusqu'à ce que les gens soient prêts». Selon Khalil Ibrahim ces élections d'avril, - l'un des points clés de l'accord de paix qui a mis fin en 2005 à deux décennies de guerre civile entre le Nord et le Sud du Soudan-, pourraient «freiner la paix». Cette demande de report est partagée par plusieurs partis d'opposition et ONG internationales présentes au Darfour. Certains ont émis le vœu de leur organisation en novembre prochain. Des ONG, comme Human Rights Watch, estiment que le climat politique n'est pas propice à la tenue d'élections «libres» et «crédibles». L'ONU SOUTIENT EL BÉCHIR Salva Kiir et Ali Osmane Taha les deux vice-présidents du Soudan, qui ont sollicités par les dirigeants du «consensus national», une coalition de plusieurs partis d'opposition, dans cette perspective, n'ont pas pu convaincre Omar El Béchir de les recevoir hier à Khartoum. «Pas un seul jour» leur répond le candidat à la présidentielle du Parti du Congrès National, (PCN) le parti au pouvoir depuis juin 1989. Normal. Poursuivi par la Cour pénale internationale qui a délivré contre lui un mandat d'arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, le président soudanais est pressé de se faire élire et démocratiquement, car contrairement aux souhaits de Luis Moreno-Ocampo, cette condamnation a accru sa popularité. Yasser Arman, le candidat des ex-rebelles sudistes de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLM) et Sadek El-Mahdi, le chef du parti Oumma (nationaliste), deux des principaux rivaux parmi les onze qu'affrontera El Béchir, sont montés hier au créneau. Ils accusent le PCN de «falsifier l'élection présidentielle » et de chercher à forcer «les employés du secteur public et les forces de sécurité à bourrer les urnes». El Béchir balaie du revers de la main ces accusations. «Si le SPLM boycotte les élections, dit-il, nous allons rejeter le référendum» qui doit tenir début janvier 2011 sur la sécession du Sud avec le Nord du pays. Dans ce bras de fer avec l'opposition, le président El Béchir qui est sûr de l'emporter a un allié de poids : le représentant spécial de l'ONU au Soudan, Haile Menkerios. Ce dernier a réitéré cette semaine son appel pour le maintien des élections «conformément à l'agenda fixé par l'Accord de paix global». Le Soudan est à un tournant critique de son histoire.