Les représentants du gouvernement soudanais ne se rendront pas aujourd'hui à Doha pour déterminer avec leurs homologues du JEM (Mouvement pour la Justice et l'Egalité), le groupe le plus armé des rebelles du Darfour, une région riche en pétrole, gaz et uranium, les modalités de la reprise des pourparlers de paix suspendus. La reprise des négociations attendue après la formation du nouveau gouvernement « début juin au plus tard », selon Khartoum, ne semble pas pour demain. Le JEM, mouvement de Khalil Brahim qui a menacé, début mai, de « geler » sa participation aux négociations de Doha, est passé à l'acte. Ce « retrait » même momentané prend à contre-pied Djibril Bassolé, le médiateur de l'Union africaine et des Nations unies pour le Darfour. « Nous nous préparons à reprendre les négociations, suspendues à cause du calendrier électoral » d'avril dernier, dont la présidentielle remportée par Omar el-Béchir, avait annoncé, jeudi dernier à N'Djamena, M. Bassolé, après une rencontre avec Idriss Deby Itno, le président tchadien. «Les propos du médiateur international sur une reprise des négociations de Doha ne s'appuient sur aucune réalité sur le terrain et n'engagent que lui », déclare Ahmad Hussein Adam, le porte-parole du Mouvement, brandissant une menace de retrait de ces « pourparlers ». «La rébellion est très proche d'un retrait », dit-il. Les raisons ? Le JEM qui a signé en février dans la capitale qatarie un cessez-le-feu doublé d'un accord politique qui devait déboucher avant le 15 mars dernier sur une paix durable avec Khartoum, délai non respecté, en avance plusieurs. Comme la « volte-face du gouvernement sur l'accord de cessez-le-feu » : des raids militaires seraient lancés depuis la fin des élections contre les positions des rebelles malgré l'accord préliminaire de Doha, l'intensification de la présence des troupes dans la région de Shangil Tobaya qui aurait forcé à fuir 70% des personnes déplacées internes vivant dans le camp géré par l'ONU, la qualification de Khalil Ibrahim, par Ibrahim Mahmoud, le ministre de l'Intérieur soudanais de « terroriste » et des « actes » du Jem de tout sauf d'une « lutte », la menace de l'écarter des négociations de Doha... Le Darfour qui est en proie depuis 2003 à un conflit qui a fait 300.000 morts selon l'ONU, 10.000 selon Khartoum, va-t-il sombrer de nouveau dans la violence ? « Nous avons libéré le djebel Moon (Darfour-Ouest, près de la frontière tchadienne) et tué 108 rebelles du Mouvement pour la justice et l'égalité», déclare Al-Sawarmi Khaled, le porte-parole de l'armée, précisant que 61 rebelles ont été faits prisonniers et 16 véhicules saisis. Jeudi, Ibrahim Mahmoud avait affirmé que la police avait répliqué à une attaque du JEM contre un convoi d'aide alimentaire au Darfour-sud. «Nous sommes dans un réel état de guerre après la violation par le gouvernement de l'accord de cessez-le-feu », estime Ahmed Hussein Adam. Le Soudan qui est appelé peut-être à se scinder de son Sud en janvier 2011, est-il condamné à ne pas connaître une « normalisation » avant son émiettement ?